"Il y avait encore quelques salons bleus à Limoges, de plus en plus rares, et celui des Rouargue était un des derniers. Il y avait eu, en effet, une sorte de toquade générale pour le velours bleu d'ameublement dans cette ville, des années auparavant, et certaines familles, pour des raisons généralement financières - ou de fidélité -, les avaient conservés. En entrant dans le salon des Rouargue, Gilles eut ainsi l'impression que son enfance lui sautait à la tête, il revit mille goûters, mille heures d'ennui à attendre les parents sur un pouf, mille rêveries à base de bleu passé."
* * *
* * *
"Il avait envie de tout envoyer promener : Paris, ses intrigues, ses ukases, ses hypocrisies. Il voulait retrouver la campagne et les salons de Limoges, résignés, fragiles et bleus comme les yeux de son beau-frère. Il allait téléphoner à Nathalie et lui demander conseil. Elle saurait. Il y avait quelque chose d'inflexible en elle, de naturellement pur. Et donc il avait grand besoin."
* * *
"Ce train n'en finissait pas de traverser la France. Il y avait d'abord eu, en quittant la gare, ces longues banlieues étirées que la lumière du soleil d'été, avant la nuit, rendait presque poétiques. Puis les premières prairies avant la Loire, toute cette herbe verte et luisante, encadrées par l'ombre démesurément allongée des arbres, puis la Loire elle-même déjà grise. Puis il avait fait nuit et Gilles avait détourné son visage de la fenêtre, regardé les visages paisibles de ses compagnons de voyage. Il était bien dans ce train, il roulait inexorablement vers la maison de sa sœur, vers Nathalie, il roulait vers la paix et l'amour à la fois, et il lui semblait que c'était la première fois qu'il rencontrait dans son existence cette conjonction."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire