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jeudi 18 avril 2019

Les sourires éternels


Georgette et René Magritte, à Schaerbeek
le 28 juin 1922, jour de leur mariage

mardi 26 mars 2019

Promenades (16) - Embrasser Valparaiso, chanter Victor Jara



"Vous avez l'air triste et je crois que c'est de ma faute, j'ai dit.
Elle s'est redressée un peu.
Je suis moins triste que vous.
Mais non, je ne suis pas triste, j'ai protesté. Tenez, on pourrait aller à Valparaiso.
Maintenant ?
Non, pas maintenant, j'ai dit. Une autre fois. Je sais pas, dans une semaine ou deux. Qu'est-ce que vous en dites. C'est parce que j'ai envie d'embrasser Valparaiso.
Embrasser ? Mais oui, la prendre dans mes bras, la ville, et aussi toute la baie. Faire un grand tour, monter dans les collines depuis le nord, avec le Pacifique à portée de main, et puis redescendre jusqu'au port et rester un peu, à regarder les cargos.
Il y a eu un temps de silence et c'était comme si on commençait à les regarder, les cargos.
Décidément, vous aimez les grandes marches, elle a dit.
Ah, et je voudrais aussi revoir la maison de Neruda. Ça oui, j'aimerais bien la revoir. On pourra passer par là, si vous voulez."


"Vous êtes fâché contre moi ? a demandé Ema.
J'ai dit que j'étais pas fâché du tout, et encore moins contre elle.
À cause de mon rendez-vous d'aujourd'hui, elle a dit.
Mais non, j'ai fait. On a tous nos petites manies. Vous, c'est les rendez-vous.
Elle a ri.
Et vous, Ernesto, vous avez des manies ?
Plein, j'ai dit. Tenez, depuis qu'on s'est vus à Santiago, je chantonne Te recuerdo Amanda à chaque fois que je pense à vous. En me tenant droit comme un i. Je me demande d'où ça peut venir.
C'est drôle, elle a dit. Vous aimez Victor Jara ?
Bien sûr que je l'aime. Regardez, la pluie s'arrête. Alors, vous voulez bien marcher ?
Oui.
Si nous parcourons tous les escaliers de Valparaiso, nous aurons fait le tour du monde, j'ai dit joyeusement.
Tous les escaliers, ce ne sera pas facile, elle a dit. Mais quand même, on a une bonne matinée devant nous pour nous promener. On pourra déjeuner aussi, si vous voulez. Et après, je partirai.
On a traversé la place de la gare routière.
On va monter par Argentina Poniente, j'ai dit. Là-haut, on sera tranquilles. On ira d'une colline à l'autre en suivant Alemania. Vous voulez bien, Ema ?
Elle a dit oui.
Quelques rayons de soleil ont percé les nuages mais le ciel restait menaçant. On a commencé à grimper. Je marchais un peu devant, en me retournant régulièrement vers elle.
Vous savez, j'ai dit, cette histoire d'escaliers et de tour du monde, c'est pas moi qui l'ai inventée.
Je sais, elle a dit. Ne vous inquiétez pas, Ernesto."

"Si nous parcourons tous les escaliers de Valparaiso, nous aurons fait le tour du monde."
Pablo Neruda, J’avoue que j’ai vécu

On se souviendra que Victor Jara, chanteur chilien très populaire et fidèle soutien du président Salvador Allende, fut arrêté, torturé et assassiné par la junte militaire quelques jours après le coup d'état du 11 septembre 1973. 



On a trouvé beaucoup de choses dans ce court roman sensible et délicat d’Antoine Choplin, Partiellement nuageux, paru très récemment aux éditions La fosse aux ours. De Santiago à Valparaiso, du Musée de la Mémoire à un petit observatoire astronomique installé en territoire mapuche, de Neruda à Jara, des très sombres heures de la dictature aux souvenirs douloureux et confidences difficiles : la possibilité d'un amour.

mardi 4 décembre 2018

Les figures de la Grâce (8) - Ostende (2)



Cette étonnante et sublime photo, reproduite dans Lettres à Guillaume Apollinaire (Gallimard, 2018), est extraite de la plaquette des Six lettres à Guillaume Apollinaire, imprimée à 69 exemplaires par les éditions "A l'enseigne de l'arc de Nemrod" en 1978. Collection Pierre Caizergues.

* * *

                                           Samedi 1er mai [1915]

Mon Gui chéri,
Je dîne chez Rika - Je t'envoie le petit muguet porte-bonheur !
Je pense à toi...
Je t'aime tout plein...
Je t'écrirai demain...
Je t'embrasse fort fort fort !
T'aime

                                                    Ton ptit Lou
 


mercredi 17 octobre 2018

Un mouvement plein de beauté


Adriana Ivancich, qui a inspiré le personnage de Renata

"- Je comprends, dit le Gran Maestro, et, en regardant Renata, son cœur se retourna d'un saut, comme un marsouin dans la mer. C'est un mouvement plein de beauté, et très rares en ce monde sont les êtres capables de l'éprouver et de l'accomplir."

Ernest Hemingway, Au-delà du fleuve et sous les arbres


jeudi 21 juin 2018

Un tout petit peu de temps, d'espace, d'espoir



"Ils savent, pressentent ce que leur liberté a de provisoire. Ils savent ce qui les attend, la vie en ce monde. Lui arrachent seulement un tout petit peu de temps, un tout petit peu d'espace, un tout petit peu d'espoir ; se prennent la main, se remettent en marche, enveloppés de douceur et de nuit, infimes sous le ciel infini."

Marc Villemain, Il y avait des rivières infranchissables


mercredi 30 mai 2018

Promenades (15)



"Si les sons, les saveurs et les parfums sont bien ces sublimateurs de l'essence de la mémoire dont parle George du Maurier dans Peter Ibbetson, que dire de l'enchantement que peut provoquer en nous la vue d'une simple façade, une porte cochère, une faille secrète entre rue et jardin, de simples fleurs, tant d'objets où se prirent nos regards, qui mirent nos sens en cause et fixèrent notre attention avant d'être eux-mêmes emportés par le flot d'autres images, d'autres impressions, il y a longtemps, et que nous redécouvrons, que nous actualisons. La chose peut se produire lors d'une flâne dans une ville, un bourg ou sur un vieux chemin - car, sur ce point, j'en suis garant, marcheur des villes et marcheur des champs se rejoignent et se complètent."

La promenade rétrospective, in Le Sentiment des rues, Joël Cornuault


* * *

Je me souviens d’avoir vu Peter Ibbetson à l’automne 1983 rue Champollion.


"Ceux que j’aime et admire le plus, ceux qui m’ont ouvert les yeux, ont pris racine dans le ou leur passé. Proust, le plus grand, mais aussi Aloysius Bertrand, Nerval, l’Aragon du Paysan de Paris, George Du Maurier. Celui-ci écrivit ce Peter Ibbetson que j’emporterais, de préférence à tout autre roman, dans l’île déserte."

André Hardellet, Donnez-moi le temps

"Quelqu’un surgit de l’ombre et se planta devant moi.
- Bonne nuit, me dit-il. Je vous attendais. Mon nom est Peter.
Je l’examinai : un grand gaillard barbu, très élégant, dont le visage me rappelait quelqu’un, ou quelque chose, que je ne parvenais pas à préciser. Si j’avais écouté ma première impression, j’aurais dit que je l’avais rencontré dans un livre, ce qui était absurde."

André Hardellet, Lady Long Solo

mercredi 10 mai 2017

Bon anniversaire, Maud...



... enfin, bon anniversaire, Françoise Fabian !

mercredi 22 juin 2016

D'un dos à l'autre




Je te tourne le dos
Je ne voulais pas que tu partes
Mon ange blond, ma sublime aventure

Je te tourne le dos
Je voulais te garder
Toi ma nuit, ma chère et tendre nuit

Je te tourne le dos
Je voulais notre paradis sarde
Tu as choisi l'éclipse

Je te tourne le dos
Le Temps t'a rendue floue
Reste à jamais mon désert.
Mais rouge.

* * *

Ces quelques lignes m'ont été inspirées par la photo ci-dessus, dont je n'ai pas trouvé quand ni à quelle occasion elle avait été prise, et par l'anecdote suivante. J'ai lu que lors de leur rencontre en 1957 sur le tournage du Cri, Michelangelo Antonioni a dit à Monica Vitti (qui effectuait le doublage en post-synchronisation de l'actrice italienne Dorian Gray) : "Vous avez une belle nuque. Vous pourriez faire du cinéma." Ce à quoi elle a répondu : "De dos, seulement ?".


Trois fois Monica

dimanche 12 juin 2016

Rencontre (6) - Le roman, la nouvelle et le baiser


Rue Edouard Quenu, juste au coin de la librairie Les Traversées

"La lecture d'un bon gros roman est à maints égards comparable à une longue liaison apaisante. La nouvelle c'est tout autre chose, c'est comme le baiser furtif d'une inconnue dans le noir. Rien à voir, bien sûr, avec une liaison ou un mariage, mais les baisers peuvent être suaves et leur extrême brièveté exerce en elle-même une attraction."
Stephen King

dimanche 15 mai 2016

Des sentiments encore, de l'Italie toujours




"En nous adaptant à l'époque dans laquelle nous vivons, ou en reniant de vieux sentiments pour en accepter de nouveaux, sommes-nous pires ou meilleurs ? N'aurions-nous pas simplement oublié de prendre soin de nous-mêmes" ?

On pourra lire ces phrases dans le recueil Je commence à comprendre, ensemble de courts textes, réflexions, aphorismes d'Antonioni, traduit et préfacé par Jean-Pierre Ferrini.


Et bien sûr, à lire ce recueil et à regarder cette photo de L'Eclipse, on ne peut pas ne pas penser aussi à la sublime phrase d'Antonioni à propos de La Notte, citée dans Un voyage en Italie de Jean-Pierre Ferrini (chez arlea également) et déjà évoquée ici :

"Au fond, il faut protéger nos sentiments avec beaucoup de soin, car les sentiments qu'une femme et un homme réussissent à éprouver l'un envers l'autre sont des choses auxquelles il est vraiment nécessaire de s'accrocher pour rester en vie aujourd'hui."

mardi 10 mai 2016

Dans un wagon de seconde



Dans un wagon de seconde
Une étrangère dormait,
Dormait blonde, et que j'aimais
Cette bonté d'être blonde !

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Seul avec une dormeuse,
Ô sadisme délicat !
Je volais le pâle éclat
De ses paupières laiteuses.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Je ravissais cette pure
Et dormante nudité
De son col qu'avaient quitté
Ses nonchalantes fourrures.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Et d'avance, et pour la molle
Lassitude de ses traits,
J'aimais l'accent qu'elle aurait
Pour sa première parole.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Calme gerbe dénouée
Éparse sur les coussins,
Quelle vie et quels desseins
L'avaient là douce échouée ?

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.



Sur la grève désolée
Des coussins en velours laid,
Quel destin qui déferlait
L'avait là douce roulée ?

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

De son beau sommeil bizarre,
Comme elle dormait toujours,
Pour la veiller jusqu'au jour
Je laissai passer les gares.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Et les gares aux fenêtres
Collaient des visages blancs
Puis penchantes au néant
Glissaient sans nous reconnaître.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Et les pâles résonances
De leurs noms comme des voix
Passaient au long du convoi
Comme des appels d'enfance.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

Le froid rose de l'aurore
Vint givrer les carreaux bleus,
Et faisant de blancs adieux
Les gares passaient encore.

Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.



Gares, villes, destinées
Vous appeliez dans le vent ;
Mais je veillais l'émouvant
Noir sommeil de l'Obstinée,

- Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va, -

De l'obstinément Offerte
En silence à mes regards,
Qui tendait l'accueil épars
De ses calmes mains ouvertes.
 
Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va.

À ses pieds de calme reine
Jusqu'au soir je suis resté ;
Et quand l'électricité
Fit ses appels dans la plaine,

- Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va -

Quand les mornes bornes nues
Se levèrent au lointain
Et les durs bétons hautains
D'une Babel inconnue,

- Elle dort et le temps passe,
Le temps passe et le train va -

Quand parurent à la porte
Des étrangers s'agitant,
Depuis des temps et des temps
Je savais qu'elle était morte.

Marcel Thiry, L'Enfant prodigue (1927)



jeudi 25 février 2016

L'écrivain et la majestueuse enfant


Photo Chiara Samugheo

"Alberto Moravia : Comment est votre façon de marcher ?

Claudia Cardinale : On dit que je marche un peu comme un mannequin.

A.M. : Qu'est-ce que ça signifie ?

C.C. : Sans bouger les hanches, sans chalouper, toute droite et immobile.

A.M. : C'est peut-être vrai, mais à vous regarder, on ne peut s'empêcher de se rappeler certains vers de Baudelaire de son poème "Le beau navire". Vous vous les rappelez ?

C.C. : Non, pas à l'instant.

A.M. :
"Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,
Ta tête se pavane avec d'étranges grâces ;
D'un air placide et triomphant
Tu passes ton chemin, majestueuse enfant."
Vous aimez ?

C.C. : Oui.

A.M. : Ou l'on pourrait citer aussi cette autre strophe d'un poème intitulé "Les serpent qui danse"
"Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant"
Ces deux citations nous ramènent à une vision plus générale de votre personne. Après l'examen des détails, il faudrait maintenant aborder une définition plus globale. Quelle est, selon vous, la caractéristique principale de votre beauté ? Et avant tout, pensez-vous être belle ?

C.C. : Je ne sais pas si je suis vraiment belle. Je crois que je suis étrange.

A.M. : En quoi consiste cette étrangeté ?

C.C. : Je ne saurais pas dire. Je sais seulement que j'ai l'impression d'être étrange."


vendredi 29 janvier 2016

Gelati (2)








"L'Homme de Rio ? C'est Tintin. Le vrai Tintin. Le merveilleux Tintin. Tintin l'incassable. Le gentil Tintin. Tintin au grand cœur. Tintin aux pieds rapides. Tintin à bout de souffle. Tintin c'est Bébel : on s'en doutait. Milou, c'est Françoise Dorléac. Comme dirait Henri Jeanson et comme se garderait bien de le dire Daniel Boulanger : elle a du chien. Un chien qui aurait beaucoup du chat. Elle est délicieuse, cocasse, adorable. Et il y aussi un professeur que l'on croit farfelu (mais non); les Dupont-Dupond métamorphosés en tueurs de la Haute-Amazonie ; il y a du trésor, de la femme fatale, du pain de sucre et du copacabana, de la flèche empoisonnée et du revolver-sarbacane, de l'alligator et du Matto Grosso. Tout ce qu'on aime."

Jean-Louis Bory (Ombre vive)

lundi 25 janvier 2016

Gelati


Photographie Philippe Séclier

"Je me souviens du temps, où, avec une joie secrète, je prenais tous les jours une glace, tout était alors plus absolu et plus éternel. Les journées étaient longues à n'en plus finir, entités douées d'une vraie valeur et d'une vraie durée : la période des vacances était un vrai moment de la vie. Ce qui se passait était toujours un signe, tout prenait un sens pur et profond. A Riccione, j'ai eu ma première petite aventure, tellement démodée. J'ai encore la photographie, chez moi. Elle était élève d'une école de danse, une fille de mon âge, quatorze ou quinze ans. En vacances avec sa classe, c'est-à-dire une douzaine d'autres filles, aussi charmantes et libres qu'elle. Sur la photo, on la voit debout sur le banc d'un bateau à voiles tiré sur le sable : elle est en maillot de bain, le bras levé appuyé contre le mât : les jambes sont serrées l'une contre l'autre, dans une attitude élégante, sur la tête un béret blanc avec une visière de vieux loup de mer. On parlait, mais très peu, sur la plage : elle, bien sûr, plus audacieuse que moi, sous les regards lointains de ses compagnes. Elle est partie à l'improviste après deux ou trois jours. J'étais en train de manger dans le jardin de l'hôtel : je mangeais presque avec rage, pour l'intime satisfaction - dont je garde un souvenir très précis - de m'empiffrer d'un délicieux café au lait, de confiture et de beurre, quand soudain passe une voiture. Pleine de filles : ce sont les jeunes danseuses, entassées dans ce peu d'espace. Elles me voient : c'est un seul et même cri. Je me précipite dans la rue, sous le soleil matinal d'août : toutes agitent les bras dans ma direction, en criant : "Adieu ! Adieu !" Elle, je la distingue à peine, ses yeux joyeux, pleins d'appréhension et d'incertitude."

Pier Paolo Pasolini, La longue route de sable (Editions Xavier Barral, avec des photographies de Philippe Séclier) 

Photographie Paolo di Paolo


















mercredi 20 janvier 2016

Addio, Ettore!





Gianni, Antonio, Nicola, saremo sempre con voi...

« Camarades, aujourd’hui est mort un de mes amis. Il est mort parce qu’il avait depuis longtemps renoncé à la vie. C’est de cela que je désire vous parler. De la vie. Pas de la mort. La plus commune aspiration de tous les hommes, sanctionnée même dans le texte de certaines constitutions, est la recherche du bonheur... »