jeudi 29 juin 2017

Des phrases éblouissantes



"Je conserve un autre souvenir de cette malle : le premier roman d'amour qui me passionna. C'étaient des centaines de cartes postales envoyées par quelqu'un qui signait Enrique ou peut-être Alberto et qui toutes étaient adressées à Maria Thielman. Ces cartes étaient merveilleuses. Elles reproduisaient les portraits des grandes actrices de l'époque, sertis de paillettes et sur lesquels on avait collé parfois une poignée de cheveux. Il y avait aussi des châteaux, des villes et des paysages lointains. Durant des années, je ne m'intéressai qu'aux images. Mais devenu plus grand, je me mis à lire ces doux messages parfaitement calligraphiés. Je me suis toujours imaginé que le galant en question portait un chapeau melon, avec une canne et un brillant épinglé à sa cravate. Pourtant les lignes que le voyageur écrivait et envoyait de tous les coins du globe enthousiasmaient par leur passion. C'étaient des phrases éblouissantes et pleines d'audace amoureuse. Je commençai à m'éprendre à mon tour de Maria Thielman que je me représentais comme une actrice dédaigneuse sous son diadème de perles. Comment ces lettres étaient-elles arrivées jusqu'à la malle de ma mère ? Je n'ai jamais pu le savoir."

Pablo Neruda, J'avoue que j'ai vécu
 

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