"Ils étaient face à face, assis dans le lit, nus. Il tenait toujours son visage, l'air scrutateur et ils se souriaient. Il avait les épaules très larges, osseuses, et elle échappa à sa main, appuya sa joue sur le torse d'Antoine. Elle entendait son cœur battre très fort, aussi fort que le sien.
« Ton cœur bat très fort, dit-elle. C'est la fatigue ?
- Non, dit Antoine, c'est la chamade.
- Qu'est-ce que c'est exactement que la chamade ?
- Tu regarderas dans le dictionnaire. Je n’ai pas le temps de t'expliquer maintenant.»"
[...]
"Ils se revirent deux ans plus tard, chez Claire Santré. Lucile avait finalement épousé Charles ; Antoine était devenu directeur d'un nouveau groupe d'éditions, et c'était à ce titre qu'il était invité. Ses affaires l'absorbaient beaucoup et il avait un peu tendance à s'écouter parler. Lucile avait toujours du charme, son air heureux et un jeune Anglais, nommé Soames, lui souriait beaucoup. Antoine se trouva près d'elle à table, soit le hasard, soit une malice ultime de Claire et ils parlèrent posément de littérature.
« D'où vient l'expression « la chamade », demanda le jeune Anglais à l'autre bout de la table.
- D'après le Littré, c'était un roulement joué par les tambours pour annoncer la défaite, dit un érudit.
- C'est follement poétique, s'écria Claire Santré en joignant les mains. Je sais que vous possédez plus de mots que nous, mon cher Soames, mais vous m'avouerez que, pour la poésie, la France reste la reine.»
Antoine et Lucile étaient à un mètre l'un de l'autre. Mais, de même que la chamade ne leur rappelait plus rien, la déclaration de Claire ne leur donna plus le moindre fou rire."
Françoise Sagan, La Chamade
* * *
On trouvera en effet des définitions similaires du mot chamade dans d'autres dictionnaires :
- Appel de trompettes et de tambours par lequel des assiégés informaient les assiégeants qu'ils voulaient capituler (Petit Robert)
- Dans une ville assiégée, batterie de tambour ou sonnerie qui annonçait l'intention de capituler (Larousse)
Comme une armée de vaincus
L'ensemble sombre de mes gestes
Fait un vaisseau du temps perdu
Dans la mer morte qui me reste
Mon cœur volcan devenu vieux
Bat lentement la chamade
La lave tiède de tes yeux
Coule dans mes veines malades
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