jeudi 27 juin 2013

"Rien n'a changé"



"Je me suis assis à mon ancienne place en étude. Quelle chose fantastique que le temps ! Rien n'a changé ; il y a un peu plus de poussière sur les pupitres ; c'est tout. Et me voici, devenu homme. Si, à force de prêter l'oreille à ce silence j'allais soudain distinguer, au-delà des années écoulées, une rumeur lointaine et des voix et des pas... Et si tous les élèves de mon temps allaient soudain rentrer dans cette étude, et si, me réveillant au bruit, j'allais me retrouver en face de mes livres et de mes cahiers d'écolier... « Beaucoup sont morts, monsieur, beaucoup sont morts. »"
(Valery Larbaud, Fermina Márquez)


dimanche 23 juin 2013

Par hasard



Hier soir, rue Lecourbe, on a croisé par hasard Odile, Franz et Arthur.

mercredi 19 juin 2013

Bleu



"Mais au lieu d’un ciel triste et jamais azuré
J’ai peint toujours le ciel très bleu comme le vrai."

Guillaume Apollinaire, Aquarelliste, Alcools

 

lundi 10 juin 2013

Une vitalité désespérée

Comme dans un film de Godard : seul
dans une voiture qui file sur les autoroutes
du Néo-capitalisme latin - de retour de l'aéroport -
[où j'ai laissé Moravia, pur parmi ses valises]
seul, "au volant de son Alfa Romeo"
sous un soleil indicible en rimes
qui ne soient élégiaques, parce que d'ordre céleste
- le plus beau soleil de l'année -
comme dans un film de Godard :
sous ce soleil qui saignait immobile
unique,
le canal du port de Fiumicino
- un canot à moteur qui rentrait sans témoins
- les pêcheurs napolitains couverts de haillons de laine
- un accident de voiture, avec une maigre foule autour...

- comme dans un film de Godard - redécouverte
du romantisme au cœur
du cynisme néo-capitaliste, et cruauté -
au volant
le long de la route de Fiumicino,
et voici le château (quel doux
mystère, pour le metteur en scène français,
sous ce soleil troublé, séculaire, sans fin
que cette grosse bête pontificale, avec ses créneaux,
au-dessus des haies et des lignes d'arbre de la maussade campagne
des serfs paysans)...

- je suis comme un chat brûlé vif,
écrasé sous les roues d'un gros camion,
pendu par des gamins à un figuier,

mais avec encore au moins six
des sept vies qu'il possède,
comme un serpent réduit en bouillie de sang,
une anguille à moitié mangée

- les joues creuses sous les yeux battus,
les cheveux horriblement parsemés sur le crâne
les bras amaigris comme ceux d'un enfant
- un chat qui ne veut pas crever, Belmondo
qui "au volant de son Alfa Romeo"
dans la logique du montage narcissique
se détache du temps, pour mieux s'y insérer
Lui-même :
sur des images qui n'ont rien à voir
avec l'ennui des heures à la file...
avec la lente splendeur à en mourir de l'après-midi...

La mort, ce n'est pas
de ne pas pouvoir se comprendre
mais de ne plus pouvoir être compris

[...]

(Pier Paolo Pasolini, Une vitalité désespérée, Poésie en forme de rose)

mardi 4 juin 2013