lundi 29 septembre 2014

Limoges n'est pas loin de Clermont-Ferrand (3)

 

"Il y avait encore quelques salons bleus à Limoges, de plus en plus rares, et celui des Rouargue était un des derniers. Il y avait eu, en effet, une sorte de toquade générale pour le velours bleu d'ameublement dans cette ville, des années auparavant, et certaines familles, pour des raisons généralement financières - ou de fidélité -, les avaient conservés. En entrant dans le salon des Rouargue, Gilles eut ainsi l'impression que son enfance lui sautait à la tête, il revit mille goûters, mille heures d'ennui à attendre les parents sur un pouf, mille rêveries à base de bleu passé." 

* * * 

"Allongé, la tête dans ses bras, il revoyait la prairie au bord de la rivière, l’arrivée de Nathalie ; il respirait l'odeur de l'herbe chaude, il voyait les peupliers osciller doucement au-dessus de lui et la promesse étrange dans les yeux clairs de Nathalie."

* * *
"Il avait envie de tout envoyer promener : Paris, ses intrigues, ses ukases, ses hypocrisies. Il voulait retrouver la campagne et les salons de Limoges, résignés, fragiles et bleus comme les yeux de son beau-frère. Il allait téléphoner à Nathalie et lui demander conseil. Elle saurait. Il y avait quelque chose d'inflexible en elle, de naturellement pur. Et donc il avait grand besoin." 

* * *
 "Ce train n'en finissait pas de traverser la France. Il y avait d'abord eu, en quittant la gare, ces longues banlieues étirées que la lumière du soleil d'été, avant la nuit, rendait presque poétiques. Puis les premières prairies avant la Loire, toute cette herbe verte et luisante, encadrées par l'ombre démesurément allongée des arbres, puis la Loire elle-même déjà grise. Puis il avait fait nuit et Gilles avait détourné son visage de la fenêtre, regardé les visages paisibles de ses compagnons de voyage. Il était bien dans ce train, il roulait inexorablement vers la maison de sa sœur, vers Nathalie, il roulait vers la paix et l'amour à la fois, et il lui semblait que c'était la première fois qu'il rencontrait dans son existence cette conjonction." 


dimanche 28 septembre 2014

Nuages (5)

Belle des nuages - Martial Raysse - 1965


mercredi 24 septembre 2014

Ne pas dormir (2) - Equinoxe




One day baby, we'll be old
Oh baby, we'll be old
And think of all the stories that we could have told








lundi 22 septembre 2014

Anges, poètes et noms qui enchantent



"C'est très ennuyeux de vieillir. Je n'en ai pas envie du tout. Je dois avoir atteint le sommet. De la vie, de la lucidité, des désirs même. Peut-être de l'égalité d'âme. Me désolidariser d'un corps qui accède à l'apparence d'un corps d'adulte, est-ce possible ? Le paradoxe est que je me prénomme Ange. Le grand-père préfère Angelo, a-t-on idée de baptiser Ange un enfant perdu ? Je connais cette félicité de ne se considérer comme responsable de rien. J'ai gardé jusqu'ici comme le plus précieux des biens l'innocence du gamin des rues. Et en même temps, cela va de soi, mes perversions ingénues. Le mal glisse sur ma peau fraîche et je protège ma virginité (morale, au moins) sous le vernis de l'affranchi, ma barbe naissante est douce, je n'ai rien de boutonneux et mon allure donne le change. J'ai cru comprendre Rimbaud lorsque je me suis mis à le lire. Ou ne rien comprendre, plutôt, car il n'y a rien que la révolte venue d'un autre ciel. Heureusement j'ai découvert aussi Odilon-Jean Périer. Le prénom double m'a d'abord enchanté. Le petit bouquiniste myope qui m'a vendu le volume écorné ne connaît pas la valeur de ce qu'il vend. Tant mieux. J'avais lu dans l'ombre poussiéreuse de sa boutique le premier titre : La Vertu par le Chant. J'ai feuilleté. Soudain voici :

Ange, rude et malin, mon doux ange anarchiste,
qui te penches la nuit sur des textes amers.

Ou bien :

Beaucoup d'anges sont en vacances
dans la banlieue que nous aimons.

Ce sont les textes amers qui m'ont bouleversé. Beaucoup d'anges, qui sait ? Je repense à Hélène, la serveuse, n'est-elle pas un ange de passage, elle aussi ? En vacances, on peut dire que, moi, j'ai la chance de l'être. Mais elle ? Irai-je la délivrer de sa condition servile, ou du moins ancillaire ?

J'ignore tout de la vie d'Odilon-Jean. Il a aussi écrit un roman : Le Passage des anges, que je n'ai trouvé nulle part. Certes c'est un ange, et je soupçonne qu'il n'est pas de ce monde. Mais sa légèreté se pose sur le monde avec une telle douceur que cela me bouleverse et m'accable. Or ai-je jamais pleuré ? Trop de tendresse, une amertume voilée, la nostalgie de ce qui sera, et n'est déjà plus que dans la mémoire du futur, allons,
Obéissons à l'ordre
Du cher Cabaret,
me dit-il en sourdine. Et j'entends aussi le Rimbaud du Cabaret vert.
Ces frères-là me sont, en compagnie d’autres que je dirai, plus précieux que mon phaéton somptueux. Ils vont à pied, par des chemins que j'ignore, mais nous nous rejoindrons au cabaret (celui de la dernière chance d'être un adolescent fugueur, qui sait ?). Il y a des poèmes datés de 1921, l'ange serait-il mort ? Jeune, oui, très jeune, comme Laforgue et ses Pierrots."

Jean-Claude Pirotte, Place des Savanes


dimanche 21 septembre 2014

Fenêtre sur cour (2) - Ma semaine en nuages

Lundi

"O Paris
Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Paris Vancouver Hyères Maintenon New-York et les Antilles
La fenêtre s’ouvre comme une orange
Le beau fruit de la lumière"

Guillaume Apollinaire, extrait de Les Fenêtres, Ondes, Calligrammes

Mardi
Mercredi
Jeudi
Vendredi
Samedi
Dimanche

jeudi 18 septembre 2014

Rue Monge


"Une dernière nouvelle, « Rue Monge », manuscrit de quarante-deux pages daté d'août 1944, connaîtra également une descendance cinématographique. Le narrateur, un jeune homme solitaire arpentant Paris, rencontre par hasard rue Monge une inconnue, durant l'été 1943. Il a dès lors la certitude qu'elle sera sa femme. Il la courtise avec insistance, la revoit. Mais entre-temps, il va passer une nuit chez Maud, une femme séduisante et élégante, cultivée et libertine. Il continue pourtant de fréquenter l'inconnue, qu'il finira par épouser. Ma nuit chez Maud est là, déjà, situé à Paris dans le Quartier latin et non à Clermont-Ferrand, vingt-cinq ans avant sa réalisation..."
Eric Rohmer, biographie de Antoine de Baecque et Noël Herpe



En 1957, Eric Rohmer s'installe au 72 rue Monge, près de la place. Il restera toute sa vie fidèle au Quartier latin, quittant ensuite la rue Monge pour la rue d'Ulm...
J'aurais donc pu le croiser, et d'ailleurs je l'ai peut-être croisé, qui sait ?

lundi 15 septembre 2014

De gustibus philosophorum


- Platon aimait beaucoup les tartes. Mais pas autant que Nietzsche.
- Ça alors ! C'est vrai ?
- Non, c'est faux. C'est une fausse référence.
- Ah d'accord. Tant mieux, en fait. C'est encore plus joli quand c'est faux.

(Septembre 2014, échange de textos)

samedi 13 septembre 2014

Aux hasards de l'été

Sur le tournage de Pauline à la plage

Rohmer m'a dit une fois : "Tout est fortuit, sauf le hasard." Notre rencontre, c'est un peu ça.
Pascal Greggory, entretien avec Serge Bozon, Cahiers du Cinéma, avril 2010.

6 août 2014 - Florence à la piscine

Et d'ailleurs, la preuve que le hasard n'est pas fortuit...

7 août 2014 - Un rayon vert

lundi 8 septembre 2014

Une belle soirée (2)


C'était jeudi dernier, le 4 septembre. En ce regain d’été, l'air était doux à Paris, et particulièrement au 129 de la rue de Charenton, où la Librairie Charybde accueillait Jérôme Leroy à l’occasion de la sortie de son nouveau roman en Série Noire, L'Ange gardien.

La soirée fut chaleureuse et pétillante de grâce et d'intelligence, à l'image de Kardiatou, figure centrale autour de laquelle est construit ce magnifique chœur à trois voix qu’est L’Ange gardien. Il fut question de tueurs et d’histoire contemporaine, de services secrets et de poésie, d’écrivains et d’armes à feu, de politique et d’amour. L’amitié coula à flot, et, au gré de quelques élixirs avec ou sans bulles, il suffisait d’un peu d’attention pour sentir passer au-dessus de l’assemblée le délicat mouvement d’air créé par les battements d’ailes d’un ange...


Mon seul regret : ne pas avoir eu la présence d’esprit de prêter mon appareil photos pour me faire photographier avec l’auteur ! Mais, comme on sait que jamais deux sans trois, et qu’on se souvient qu’il y a trois ans, Jérôme Leroy avait déjà été l’invité de la Librairie Charybde pour la sortie de sa précédente Série Noire, Le Bloc (la preuve en image ci-dessous !), nul doute qu’il y aura une prochaine fois, c’est en tout cas ce qu’espèrent les lectrices et lecteurs heureux...









13 octobre 2011

mardi 2 septembre 2014

De noir et de bleu


"Le sentiment de la Méditerranée s’est peu à peu transformé en un territoire de l’imaginaire qui traverse et augmente le réel, fait de Noir et de Bleu, indissociablement. Sens du tragique et goût de la vie, en une même tension harmonique où se retrouve, comme en écho, la voix de Carmen choisie par Nietzsche contre Wagner."
Thierry Fabre, Eloge de la pensée de midi