mercredi 31 décembre 2014

Tout ce que tu veux

Arbres (1953)
A Ciska Grillet
Ménerbes, fin décembre 1953

Ciska,

Merci pour cet amour de petite lettre droite.
Je te souhaite tout ce que tu veux, surtout dans la mesure où je puis consciemment ou pas y jeter un peu de feu vif.

Nicolas

* * *

Voilà, c'est exactement ça, pour 2015 je vous souhaite tout ce que vous voulez, chers amis et lecteurs, et si, en plus, Noël 69 à Clermont Ferrand peut y ajouter quelques étincelles...

Et en attendant, pour terminer 2014 en douceur, la magie des notes de ce Tokyo encore...


samedi 20 décembre 2014

Charmant Noël

 

C'est avec cette belle et malicieuse chanson de Barbara que Noël 69 à Clermont Ferrand, qui s'apprête à partir quelque temps loin, à l'est, au froid, souhaite à ses amis, ses lecteurs fidèles, ses visiteurs passagers mais toujours bienvenus, avec quelques jours d'anticipation, de belles fêtes de Noël. A bientôt...




dimanche 14 décembre 2014

Dimanche 14 décembre 1941 - 2014


"Il faudrait savoir s'il faisait beau ce 14 décembre, jour de la fugue de Dora. Peut-être l'un de ces dimanches doux et ensoleillés d'hiver où vous éprouvez un sentiment de vacance et d'éternité - le sentiment illusoire que le cours du temps est suspendu, et qu'il suffit de se laisser glisser par cette brèche pour échapper à l'étau qui va se refermer sur vous."

Patrick Modiano, Dora Bruder

vendredi 12 décembre 2014

Grand écran


"En été, quand la mode douce des bras nus
Donne aux yeux la fraîcheur de son aumône égale,
Au fond d'un cinéma de faubourg inconnu
Aller s'asseoir parmi ces bras blancs dans la salle
Obscure, et seul et se livrant dans la noirceur
A l'art d'aimer ces nudités mélancoliques,
Pendant qu'un piano fait des accords danseurs
Voir passer sur l'écran les grands transatlantiques."

Marcel Thiry, L'Enfant prodigue (1927)

Forcalquier

"Nous irons nous aimer dans les grands cinémas."

Marcel Thiry, Plongeantes proues (1925)

mercredi 10 décembre 2014

Ne pas dormir (3) - Avenue de l'Opéra

L'Ange de feu (Reds)

Le Crépuscule des dieux

La Promesse de l'aube

Stairway to Heaven... ?

mercredi 3 décembre 2014

Promenades (6) - Tout au fond du XIIIe arrondissement


"A Paris, à la même époque, je vais déjeuner chez Raymond Queneau, le samedi. Souvent, au début de l'après-midi, nous prenons ensemble un taxi, et de Neuilly nous revenons tous deux sur la rive Gauche.
Il me parle d'une promenade qu'il avait faite avec Boris Vian dans une petite rue que presque personne ne connaît, tout au fond du XIIIe arrondissement, entre le quai de la Gare et la voie ferrée d'Austerlitz: rue de la Croix-Jarry. Il me conseille d'y aller.
Plus tard, chaque fois que nous nous verrons, nous parlerons de cette rue de la Croix-Jarry. Il y a quelque temps, j'ai lu que les moments où Queneau avait été le plus heureux, c'était quand il devait écrire des articles sur Paris pour L’Intransigeant et qu'il se promenait l'après-midi à travers les rues.
Je me demande si ces années mortes en valaient vraiment la peine : les seuls instants où j'étais vraiment moi-même : ceux où je me retrouvais seul dans les rues, comme Queneau, à la recherche des chiens d'Asnières."
Patrick Modiano, Ephéméride
 

La rue de la Croix-Jarry tire son nom d'une affaire un peu inquiétante : en 1430, un homme nommé Jarry y fut assassiné, et l'emplacement du meurtre a longtemps été marqué par une croix.
Ce dernier dimanche de novembre, jour froid et blanc où subitement l'automne s'est souvenu que l'hiver n'était plus très loin, j'ai suivi le conseil que Raymond Queneau avait donné à Patrick Modiano. J'y suis allée. Petite rue tout au fond du XIIIe arrondissement en effet, entre la rue Watt et le boulevard Masséna.


En 2014, la rue de la Croix-Jarry, ou du moins la rue telle que Patrick Modiano a pu la voir vers 1962, n'est plus. On peut tout de même avoir une idée de ce qu'elle était en regardant Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville. Jef Costello, le personnage de tueur à gages mutique joué par Alain Delon, émerge en courant dans la rue de la Croix-Jarry, à la poursuite de l'homme qui a essayé de le tuer sur la passerelle métallique enjambant les voies ferrées venant de la gare d'Austerlitz (détruite en 2004) et reliant la gare d'Orléans-Ceinture (devenue la gare du boulevard Masséna, puis désaffectée depuis 2001), accessible depuis la rue du Loiret.



Plus rien à voir, donc, avec la rue de la Croix-Jarry aujourd'hui...


... même si la modernité n'exclut pas la mémoire.


Suivant la trace de Jef Costello, mais aussi de Nestor Burma dans Brouillard au Pont de Tolbiac, on a étendu la promenade aux rues alentour, qui ont elles aussi subi des changements radicaux, mais où l'on arrive à parfois à détecter des vestiges du passé, comme si ce dernier, pris entre temps révolu et modernité avait choisi de faire œuvre de résistance avec quelques clins d’œil...

 On s'engage dans la rue Watt...


... et on croise même l'ombre de Nestor Burma :


Rue du Loiret, la fameuse gare, avec Malet/Tardi, Melville, et en novembre 2014 :



 Rue du Loiret encore :


Fresque de Tristan Eaton

vendredi 28 novembre 2014

vendredi 21 novembre 2014

Novembre




"Et l'arbre est réuni au brouillard par novembre."
Marcel Thiry, Usine à penser des choses tristes



lundi 17 novembre 2014

Kinda blue (mille bleuités)



"Tu peins en bleu des chameaux délicats
Sur le fond bleu d'un souvenir d'Asie,
Car tu vois bleu grâce aux bleutés micas
Du souvenir et de la fantaisie.

Tendres joueurs de bleus harmonicas
Pour enchanter mes soirs de bourgeoisie,
Bleus tons sur tons d'Asie et délicats
Dessins de seins d'azur en Malaisie,

Ces souvenirs de mille bleuités
C'est ton trésor d'esclaves rapportés
Des îles de vanille et de gingembre ;

Peindrais-tu en bleu par ce triste Novembre
Si ne posaient doucement dans la chambre
Les corps captifs de tes bleues vanités ?"

Marcel Thiry, L'Enfant prodigue (1927)

vendredi 14 novembre 2014

Gobelins (4)



"Les phares prennent leur long-cours comme des voiles
Et se fondent en vous, grandes années-lumière."

Marcel Thiry, La Mer de la Tranquillité

mardi 4 novembre 2014

Civilisation



- Et alors, tu fais quoi là-bas ?
- Plein de choses, je fais de l'aviron, du yoga, j'écris des dissertations sur les présocratiques... Et ici on peut même voir des pièces en grec ancien.
- ?!
- Oui oui, ça existe, et c'est trop bien ! 
  

jeudi 30 octobre 2014

Tu parles trop, Mathias, il faut chanter




Je n'ai pas souvenir que ma maman ait chanté ça quand j'étais petite. Mais elle aurait pu. Oui, elle aurait très bien pu.




mercredi 29 octobre 2014

lundi 27 octobre 2014

Un grand verre de mémoire


"Je m'esquive sans bouger. Je bois à la santé d'images, de chansons, d'automnes où j'ai découvert un signe - mais lequel ? Je bois pour me givrer, pour que se brise le cristal - parfois c'est une vitre abominablement souillée - qui me sépare de fêtes anciennes. Un grand verre de mémoire.
« Vous vivez toujours deux fois, n'est-ce pas ? »
La main de monsieur Petitfils s'est posée sur mon épaule, et je sursaute.
« Pardon ?
- Je connais ce genre de sport et je le pratique moi-même depuis longtemps. »"

* * *

"On songe avec nostalgie et avidité à quelque splendide désordre, capable de ranimer le chant et de ressusciter les puissances vraies du langage. Je relisais ces jours-ci un merveilleux ouvrage d'André Hardellet : Lourdes, lentes... paru chez Pauvert il y a quatre ans et signé Stève Masson, un pseudonyme qui n'en est pas un puisque ainsi se nomme le héros d'un précédent livre d'André Hardellet : Le Seuil du jardin, dont s'enchantait André Breton et dont on fit un film. Lourdes, lentes... est un chef d’œuvre de la poésie. La femme y est un paysage : elle est saveur, touffeur, odeur. Tout cela s'exprime au plus juste, avec une pudeur exemplaire du sentiment. Eh bien, ces pages si sensibles et si belles méritent à l'auteur de passer devant la 17e chambre correctionnelle, entre un exhibitionniste et une clandestine. Ah, mais c'est que nous avons fait des progrès, par rapport au Second Empire et à l'ordre moral, ces périodes molles... [...]
J'enrage, c'est vrai. Je vois partout en action l'hypocrisie confortable et rusée. Et je sais bien, moi, pourquoi la poésie gêne tant de nantis de tous bords : c'est qu’elle témoigne pour l'impatience, et que l'impatience est la plus terrible des vertus. Elle veut le corps pour le corps. Elle exige le temps de vivre - qui est aujourd'hui, du temps perdu. Elle réclame l'univers entier, avec ses pluies et son soleil, ses femmes de toutes les couleurs et ses animaux géants. Elle proclame l'être - ce qui est ruineux. Vous ne vous êtes pas trompé : elle est votre ennemie. La plus implacable et la plus dangereuse, même si elle est désarmée et dérisoire. Il restera toujours un poème, fût-ce au dernier jour du monde."
Hubert Juin, Le Figaro, 20-22 avril 1973

"[...] De quoi peut-on vous déclarer coupable ? De bien écrire ? [...] n'ont-ils pas compris, en lisant ce texte, qu'ils avaient affaire à un écrivain, un vrai, et à un poète ? [...]
Mon cher Hardellet, vous aimez l'amour : voilà votre crime. Vous en serez puni. Car vous êtes poète, mon pauvre vieux, c'est-à-dire con et criminel.
Je vous embrasse." 
Jean-Louis Bory, lettre à André Hardellet, 25 avril 1973

"Pour avoir, il y a quelques années, dans Lourdes, lentes..., évoqué "le vert paradis des amours enfantines", pour avoir rêvé au long des jardins de Londres et dans les couloirs de l'hôtel Victoria à Amsterdam, pour avoir voulu se souvenir, rêver,  et écrire un beau livre d'amour, M. André Hardellet vient d'être condamné à 2 000 F d'amende et à la destruction de son livre. Il en est ainsi, dans la France de 1973, où les juges ne semblent guère avoir acquis le sens du ridicule. [...] 
M. André Hardellet est l'un de ces écrivains dont nous avons plus que jamais besoin. Dans la lignée de Nerval et de George Du Maurier, de Lewis Carroll et de l'auteur inconnu de Madame Solario, il nous initie au rêve, il nous accompagne de l'autre côté du miroir. Il nous découvre la réalité des choses, c'est-à-dire leurs secrets [...] Avec M. Hardellet la poésie devient, selon le mot de Novalis, le « réel absolu »."
Bernard Delvaille, Combat, 14 novembre 1973


dimanche 26 octobre 2014

On appelle ça un livre


"Mais de toutes ces femmes qui ont traversé sa vie, il restera tout de même quelque chose, une trace, un témoignage, un objet rectangulaire, 320 pages brochées. On appelle ça un livre."

L'Homme qui aimait les femmes, François Truffaut, dernières phrases du film

lundi 20 octobre 2014

Solitude (7) - Comme si tout était encore possible

42, rue de l'Arcade - octobre 2014
"Il était sur le point de raccrocher, mais il garda son sang-froid.
« Vous connaissez la rue de l'Arcade ? demanda l'autre. Nous pourrions nous retrouver dans un café. Au 42, rue de l'Arcade. »
Daragane nota l'adresse. Il reprit son souffle et dit :
« Très bien, monsieur. Au 42, rue de l'Arcade, demain, à cinq heures du soir. »
Puis il raccrocha sans attendre la réponse de son interlocuteur. Il regretta aussitôt de s'être comporté de manière aussi brutale, mais il mit cela au compte de la chaleur qui pesait sur Paris depuis quelques jours, une chaleur inhabituelle pour le mois de septembre. Elle renforçait sa solitude. Elle l'obligeait à rester enfermé dans cette chambre jusqu'au coucher du soleil. Et puis, le téléphone n'avait plus sonné depuis des mois."

 * * *

"Il avait souvent rêvé, au creux de certains après-midi de solitude, que le téléphone sonnerait et qu’une voix douce lui donnerait rendez-vous. Il se rappelait le titre d’un roman qu’il avait lu : Le Temps des rencontres. Peut-être ce temps-là n’était-il pas encore fini pour lui."

* * * 

"Quelle drôle d'idée, ce rendez-vous avec un inconnu, lui qui n'avait vu personne depuis trois mois et qui ne s'en portait pas plus mal... Au contraire. Dans cette solitude, il ne s'était jamais senti aussi léger, avec de curieux moments d'exaltation le matin ou le soir, comme si tout était encore possible et que, selon le titre du vieux film, l'aventure était au coin de la rue... Jamais, même durant les étés de sa jeunesse, la vie ne lui avait paru aussi dénuée de pesanteur que depuis le début de cet été-là. Mais l'été, tout est en suspens - une saison "métaphysique", lui disait jadis son professeur de philosophie, Maurice Caveing. C'est drôle, il se rappelait le nom "Caveing" et il ne savait plus qui était de Torstel."

* * *

" « Vous me donniez des conseils de lecture, vous vous souvenez ? »
Il s'efforçait de prendre une voix émue. Et c'était vrai, après tout, que ce fantôme lui avait offert, quand il était enfant, les Fables de La Fontaine dans la collection à couverture pâle des Classiques Hachette. Et quelque temps plus tard, le même homme lui avait conseillé de lire Fabrizio Lupo quand il serait grand.
« Décidément, vous avez beaucoup de mémoire... »
Le ton s'était radouci, et Perrin de Lara lui souriait. Mais ce sourire était un peu crispé. Il se pencha vers Daragane :
« Je vais vous dire... Je ne reconnais plus le Paris où j'ai vécu... Il a suffi de cinq ans d'absence... j'ai l'impression d'être dans une ville étrangère... »
Il serrait les mâchoires comme pour empêcher les mots de sortir de sa bouche dans un flot désordonné. Sans doute n'avait-il parlé à personne depuis longtemps.
« Les gens ne répondent plus au téléphone... Je ne sais pas s'ils sont encore vivants, s'ils m'ont oublié, ou s'ils n'ont plus le temps de prendre une communication...»
Le sourire était devenu plus large, le regard plus tendre. Peut-être voulait-il atténuer la tristesse de ses paroles, une tristesse qui s'accordait bien à la terrasse déserte où l'éclairage laissait des zones de pénombre."