mardi 26 mars 2019

Promenades (16) - Embrasser Valparaiso, chanter Victor Jara



"Vous avez l'air triste et je crois que c'est de ma faute, j'ai dit.
Elle s'est redressée un peu.
Je suis moins triste que vous.
Mais non, je ne suis pas triste, j'ai protesté. Tenez, on pourrait aller à Valparaiso.
Maintenant ?
Non, pas maintenant, j'ai dit. Une autre fois. Je sais pas, dans une semaine ou deux. Qu'est-ce que vous en dites. C'est parce que j'ai envie d'embrasser Valparaiso.
Embrasser ? Mais oui, la prendre dans mes bras, la ville, et aussi toute la baie. Faire un grand tour, monter dans les collines depuis le nord, avec le Pacifique à portée de main, et puis redescendre jusqu'au port et rester un peu, à regarder les cargos.
Il y a eu un temps de silence et c'était comme si on commençait à les regarder, les cargos.
Décidément, vous aimez les grandes marches, elle a dit.
Ah, et je voudrais aussi revoir la maison de Neruda. Ça oui, j'aimerais bien la revoir. On pourra passer par là, si vous voulez."


"Vous êtes fâché contre moi ? a demandé Ema.
J'ai dit que j'étais pas fâché du tout, et encore moins contre elle.
À cause de mon rendez-vous d'aujourd'hui, elle a dit.
Mais non, j'ai fait. On a tous nos petites manies. Vous, c'est les rendez-vous.
Elle a ri.
Et vous, Ernesto, vous avez des manies ?
Plein, j'ai dit. Tenez, depuis qu'on s'est vus à Santiago, je chantonne Te recuerdo Amanda à chaque fois que je pense à vous. En me tenant droit comme un i. Je me demande d'où ça peut venir.
C'est drôle, elle a dit. Vous aimez Victor Jara ?
Bien sûr que je l'aime. Regardez, la pluie s'arrête. Alors, vous voulez bien marcher ?
Oui.
Si nous parcourons tous les escaliers de Valparaiso, nous aurons fait le tour du monde, j'ai dit joyeusement.
Tous les escaliers, ce ne sera pas facile, elle a dit. Mais quand même, on a une bonne matinée devant nous pour nous promener. On pourra déjeuner aussi, si vous voulez. Et après, je partirai.
On a traversé la place de la gare routière.
On va monter par Argentina Poniente, j'ai dit. Là-haut, on sera tranquilles. On ira d'une colline à l'autre en suivant Alemania. Vous voulez bien, Ema ?
Elle a dit oui.
Quelques rayons de soleil ont percé les nuages mais le ciel restait menaçant. On a commencé à grimper. Je marchais un peu devant, en me retournant régulièrement vers elle.
Vous savez, j'ai dit, cette histoire d'escaliers et de tour du monde, c'est pas moi qui l'ai inventée.
Je sais, elle a dit. Ne vous inquiétez pas, Ernesto."

"Si nous parcourons tous les escaliers de Valparaiso, nous aurons fait le tour du monde."
Pablo Neruda, J’avoue que j’ai vécu

On se souviendra que Victor Jara, chanteur chilien très populaire et fidèle soutien du président Salvador Allende, fut arrêté, torturé et assassiné par la junte militaire quelques jours après le coup d'état du 11 septembre 1973. 



On a trouvé beaucoup de choses dans ce court roman sensible et délicat d’Antoine Choplin, Partiellement nuageux, paru très récemment aux éditions La fosse aux ours. De Santiago à Valparaiso, du Musée de la Mémoire à un petit observatoire astronomique installé en territoire mapuche, de Neruda à Jara, des très sombres heures de la dictature aux souvenirs douloureux et confidences difficiles : la possibilité d'un amour.

jeudi 21 mars 2019

Opening day


Banalement de saison (les joies simples)

mardi 19 mars 2019

Fin de saison


Todo el bien, todo el mal

Tu ne viendras pas ce soir

Deep inside herbal tea

Mon ami est venu et n'est pas reparti

Pensées ferroviaires - De fin de saison en ligne de fuite

dimanche 17 mars 2019

Avant-saison (2)


La rencontre quadripartite eut lieu le 16 mars à 17h29,
comme prévu.

mercredi 13 mars 2019

Ton pays



"Il franchit le sommet du col et fonça vers la vallée. Quand il déboucha des sapinières le pays de La Javie se déploya tout entier devant ses yeux. En dépit du vent et de la lune, il était confiné sous un plafond de nuages qui lui faisait un couvercle couleur de soupe au charbon. Les lumières des villages et le halo de Digne au lointain coupaient ce couvercle au ras des forêts et, sous cette ombre maléfique, la clarté de la lune malgré tout faisait briller les roubines et les fermes ruinées.
L'inconnu traversa La Javie au moment où sonnaient deux heures au clocher sous les marronniers. Il croisa une ombre active : c'était un geindre en tricot de corps qui lavait des plaques à croissants à l'un des canons de la fontaine. Penché sur son travail, il n'accorda pas un regard au passant attardé.
Là-bas, de l'autre côté de la rue, par la porte ouverte de la boulangerie, le parfum du pain était porté par l'air sur plus de cent mètres de route. Et cet élément aussi était de nature à persuader le personnage de retourner à sa quiétude. Il le sentit encore autour de lui, quand il s'engagea sur cette route incertaine, moitié torrent moitié chemin, qui conduisait au pays de Chavailles. Mais le vent trop propice lui apportait déjà la présence de ce vallon où peut-être enfin il espérait inventer le fallacieux orient de sa vie.
Que chuchotait-elle donc la Bléone frôlant la chaussée et roulant sur ses agrégats ?
« Le monde serait si beau s'il n'y avait pas les hommes. »"

Pierre Magnan, Les courriers de la mort (Éditions Denoël, 1986 - Éditions Gallimard, collection Folio policier, 1999)


Spéciale dédicace à celui qui est né dans ce petit village des Alpes de quelques trois cents âmes un jour d'août 1938, et qui s'en est allé un 13 mars, il y a seize ans déjà.


Et c'est dans mes souvenirs d'enfance, la litanie des noms de villages et de hameaux aux sources de la famille paternelle. Autour de la Javie : Chaudol, Saint-Pierre, Marcoux, Le Brusquet, Le Mousteiret...
Et les noms de rivières : la Bléone, l'Arigeol, le Bouinenc et son pont métallique sonore sur la route de Digne qui me plaisait tant paraît-il quand j'étais une toute petite fille...


Et ces lieux un peu mystérieux dans mon imaginaire comme cette ancienne commune de Mariaud perdue dans la montagne, aujourd'hui village fantôme, un peu mystérieux car je cherche toujours à comprendre l'origine de l'expression "faire une fougasse de Mariaux" (la fougasse n'étant pas ici une sorte de pain, mais un jeu de cour de récréation)... Mais cette expression existe-t-elle ailleurs que dans ma famille ?

* * *

De ce pays rude de La Javie, ton pays donc, berceau familial, naissance et mariage, je promets d'autres photos, d'autres souvenirs.
Je pense à toi.

dimanche 3 mars 2019

Bouquet de mars...


... ou Reflection in a silver town

vendredi 1 mars 2019

Crépuscule


Ostie, janvier 2019

"si au crépuscule
le soleil était mémoire
déjà je ne m'en souviens plus"


Mario Benedetti, Inventario tres