dimanche 31 janvier 2016

Rendez-vous à L'Angle du Hasard


Juliet Berto, éblouissante Frédérique dans Out 1, elle aussi disparue un mois de janvier
















Pour ne s'en tenir qu'à mes réalisateurs préférés (Eric Rohmer et Maurice Pialat il y a quelques années, Ettore Scola il y a dix jours, et donc maintenant Jacques Rivette, dont je viens tout récemment de voir enfin le fabuleux Out 1), janvier est un mois vraiment sinistre...

Sur le tournage de Out 1

"Le leçon d'Eric Rohmer à Jean-Pierre Léaud sur Balzac, l'Histoire des Treize et La Comédie Humaine, la quête prométhéenne de Michael Lonsdale de la tragédie grecque, le principe de hasard établi en règle du jeu, l'improvisation systématique de protagonistes qui se cherchent et... se trouvent, font d'Out 1 une référence enrichissante et intemporelle qui donne autant l'envie et le goût de la lecture que celle de la mythologie, du mystère et de la métaphysique...
Vous avez dit enrichissante et intemporelle ? Comme disait Pontalis, c'est bien du temps qui passe et qui ne passe pas dont il est question ici."
Pierre-William Glenn, Chef-opérateur de Out 1


"Rivette filme toujours à peu près la même situation : celle de l'improbable rencontre de chacun (chacune) avec son autre. Les chemins se croisent et les corps s'évitent, et voilà pourquoi ça dure, pourquoi ça n'a pas de fin. Tout est aimanté, les corps, les paroles, les gestes, les nuages, tout s'attire sans s'atteindre."
Jean-Louis Comolli, dans Le Monde du 31 janvier 2016


"Il aime les histoires pleines de mystères, avec des clés secrètes. [...] Rivette possède le regard d'un enfant aux yeux grands ouverts ; je ne connais personne d'autre de son âge qui soit resté un enfant à ce point. Mais en plus de cela, c'est un grand intellectuel. Chez lui, tout passe par la tête, avec une vivacité et une intelligente folles, mais il demeure toujours une part de mystère. Rivette est une énigme. On ne sait pas ce qu'il est. On ne sait pas ce qu'il fait. on ne sait rien de sa vie... hormis qu'il regarde quatre films par jour."
Michael Lonsdale, entretien de 1981 paru dans CICM juin 1988


Rivette, qui, "comme Frédéric Moreau, était parti de Rouen."


"Pour notre groupe de cinéphiles, Jacques est l'homme le plus intelligent, le plus lucide. Si j'ai besoin d'avoir une idée claire sur le cinéma, je lui téléphone."
Jean-Pierre Léaud, dans Le Monde du 9 décembre 1971


Adieu donc, monsieur Rivette, et merci à vous. Pour l'incroyable grâce qui émane de vos actrices, entre autres. Et rendez-vous peut-être un jour à l'Angle du Hasard. Va savoir...


vendredi 29 janvier 2016

Gelati (2)








"L'Homme de Rio ? C'est Tintin. Le vrai Tintin. Le merveilleux Tintin. Tintin l'incassable. Le gentil Tintin. Tintin au grand cœur. Tintin aux pieds rapides. Tintin à bout de souffle. Tintin c'est Bébel : on s'en doutait. Milou, c'est Françoise Dorléac. Comme dirait Henri Jeanson et comme se garderait bien de le dire Daniel Boulanger : elle a du chien. Un chien qui aurait beaucoup du chat. Elle est délicieuse, cocasse, adorable. Et il y aussi un professeur que l'on croit farfelu (mais non); les Dupont-Dupond métamorphosés en tueurs de la Haute-Amazonie ; il y a du trésor, de la femme fatale, du pain de sucre et du copacabana, de la flèche empoisonnée et du revolver-sarbacane, de l'alligator et du Matto Grosso. Tout ce qu'on aime."

Jean-Louis Bory (Ombre vive)

mercredi 27 janvier 2016

lundi 25 janvier 2016

Gelati


Photographie Philippe Séclier

"Je me souviens du temps, où, avec une joie secrète, je prenais tous les jours une glace, tout était alors plus absolu et plus éternel. Les journées étaient longues à n'en plus finir, entités douées d'une vraie valeur et d'une vraie durée : la période des vacances était un vrai moment de la vie. Ce qui se passait était toujours un signe, tout prenait un sens pur et profond. A Riccione, j'ai eu ma première petite aventure, tellement démodée. J'ai encore la photographie, chez moi. Elle était élève d'une école de danse, une fille de mon âge, quatorze ou quinze ans. En vacances avec sa classe, c'est-à-dire une douzaine d'autres filles, aussi charmantes et libres qu'elle. Sur la photo, on la voit debout sur le banc d'un bateau à voiles tiré sur le sable : elle est en maillot de bain, le bras levé appuyé contre le mât : les jambes sont serrées l'une contre l'autre, dans une attitude élégante, sur la tête un béret blanc avec une visière de vieux loup de mer. On parlait, mais très peu, sur la plage : elle, bien sûr, plus audacieuse que moi, sous les regards lointains de ses compagnes. Elle est partie à l'improviste après deux ou trois jours. J'étais en train de manger dans le jardin de l'hôtel : je mangeais presque avec rage, pour l'intime satisfaction - dont je garde un souvenir très précis - de m'empiffrer d'un délicieux café au lait, de confiture et de beurre, quand soudain passe une voiture. Pleine de filles : ce sont les jeunes danseuses, entassées dans ce peu d'espace. Elles me voient : c'est un seul et même cri. Je me précipite dans la rue, sous le soleil matinal d'août : toutes agitent les bras dans ma direction, en criant : "Adieu ! Adieu !" Elle, je la distingue à peine, ses yeux joyeux, pleins d'appréhension et d'incertitude."

Pier Paolo Pasolini, La longue route de sable (Editions Xavier Barral, avec des photographies de Philippe Séclier) 

Photographie Paolo di Paolo


















mercredi 20 janvier 2016

Addio, Ettore!





Gianni, Antonio, Nicola, saremo sempre con voi...

« Camarades, aujourd’hui est mort un de mes amis. Il est mort parce qu’il avait depuis longtemps renoncé à la vie. C’est de cela que je désire vous parler. De la vie. Pas de la mort. La plus commune aspiration de tous les hommes, sanctionnée même dans le texte de certaines constitutions, est la recherche du bonheur... »


mardi 19 janvier 2016

jeudi 14 janvier 2016

Promenades (8) - La septième fois




"Ce n'est pas un grand mérite, assurément, que d'avoir été six fois à Rome."

Mais c'est un grand plaisir, assurément, que d'y retourner pour la septième fois.


 

lundi 11 janvier 2016

Les deux Maurice


Pialat, peintre aussi

Noël 69 à Clermont-Ferrand salue aujourd'hui la mémoire de Maurice Pialat et de Maurice Schérer, alias Eric Rohmer, disparus tous les deux un 11 janvier (le premier en 2003, le second en 2010) et particulièrement aimés ici.


Rohmer, acteur aussi, ici en génial spécialiste de Balzac dans Out 1 de Jacques Rivette

dimanche 10 janvier 2016

Les douze mots de minuit



MINUIT

Dans
L’ombre
Sombre
D’une
Nuit
Sans
Lune,
Sans
Bruit
L’heure
Pleure.

En 1894, Wilhelm de Kostrowitzky a 14 ans.




mercredi 6 janvier 2016

Comme une armée de vaincus




"Ils étaient face à face, assis dans le lit, nus. Il tenait toujours son visage, l'air scrutateur et ils se souriaient. Il avait les épaules très larges, osseuses, et elle échappa à sa main, appuya sa joue sur le torse d'Antoine. Elle entendait son cœur battre très fort, aussi fort que le sien.
« Ton cœur bat très fort, dit-elle. C'est la fatigue ?
- Non, dit Antoine, c'est la chamade.
- Qu'est-ce que c'est exactement que la chamade ?
- Tu regarderas dans le dictionnaire. Je n’ai pas le temps de t'expliquer maintenant.»"

[...]

"Ils se revirent deux ans plus tard, chez Claire Santré. Lucile avait finalement épousé Charles ; Antoine était devenu directeur d'un nouveau groupe d'éditions, et c'était à ce titre qu'il était invité. Ses affaires l'absorbaient beaucoup et il avait un peu tendance à s'écouter parler. Lucile avait toujours du charme, son air heureux et un jeune Anglais, nommé Soames, lui souriait beaucoup. Antoine se trouva près d'elle à table, soit le hasard, soit une malice ultime de Claire et ils parlèrent posément de littérature.
« D'où vient l'expression « la chamade », demanda le jeune Anglais à l'autre bout de la table.
- D'après le Littré, c'était un roulement joué par les tambours pour annoncer la défaite, dit un érudit.
- C'est follement poétique, s'écria Claire Santré en joignant les mains. Je sais que vous possédez plus de mots que nous, mon cher Soames, mais vous m'avouerez que, pour la poésie, la France reste la reine.»
Antoine et Lucile étaient à un mètre l'un de l'autre. Mais, de même que la chamade ne leur rappelait plus rien, la déclaration de Claire ne leur donna plus le moindre fou rire."

Françoise Sagan, La Chamade

* * * 

On trouvera en effet des définitions similaires du mot chamade dans d'autres dictionnaires :
- Appel de trompettes et de tambours par lequel des assiégés informaient les assiégeants qu'ils voulaient capituler (Petit Robert)
- Dans une ville assiégée, batterie de tambour ou sonnerie qui annonçait l'intention de capituler (Larousse)




Comme une armée de vaincus
L'ensemble sombre de mes gestes
Fait un vaisseau du temps perdu
Dans la mer morte qui me reste

Mon cœur volcan devenu vieux
Bat lentement la chamade
La lave tiède de tes yeux
Coule dans mes veines malades