jeudi 29 octobre 2015

Et si j'ai de l'eau dans les yeux...


Place de la Bourse à la nuit qui tombe vite, fin octobre 2015, regard flou

... c'est qu'il me pleut sur le visage




Il a beaucoup plu en 1967, sur les visages, sur les maisons, dans les mémoires, puisque c'est de 1967 que date aussi ce chef d’œuvre poignant de Serge Reggiani qui a un peu bercé mon enfance...



lundi 26 octobre 2015

vendredi 23 octobre 2015

Les clochers et la lune, le poète et la peintre


Août 2012

"C'était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i."

Alfred de Musset, Ballade à la Lune

New York Street with Moon, Georgia O'Keeffe (1925)

A priori, il n’existe pas de rapport entre Alfred de Musset et Georgia O’Keeffe. Trente ans séparent la mort de l’un (1857) de la naissance de l’autre (1887). Pourtant, par ces deux photos émouvantes, je leur trouve une étrange fraternité. Celle de Musset serait la seule existante du poète. On n’en connaît ni la date ni l’auteur, mais il semble avoir une trentaine d’années. Tout comme cette Georgia O’Keeffe in Chemise, photographiée en 1918 par Alfred Stieglitz, qui allait devenir son mari quelques années plus tard.


 

mardi 20 octobre 2015

Tout à coup, le printemps était là




"- Pourquoi haletez-vous ?
- J'ai fait un peu de jogging.
- J'ai appelé au commissariat et on m'a gentiment donné votre numéro privé.
Pause.
- Je voulais seulement vous souhaiter bonne nuit.
Tout à coup, le printemps était là.
Des petites marguerites poussèrent dans les interstices entre les carreaux du sol.
Deux hirondelles vinrent se poser sur la bibliothèque. Elle gazouillèrent, si les hirondelles gazouillent.
- Merci. Mais malheureusement, ça ne va pas être une bonne nuit.
Pourquoi le dit-il ?
Il voulait se faire plaindre ou apparaître à ses yeux en guerrier, comme Roland ?
- Pourquoi ? demanda-t-elle.
- Je dois surveiller la villa des Sciortino.
- Je sais où c'est. Vous pensez que les voleurs, cette nuit...
- C'est une probabilité.
- Vous y allez seul ?
- Oui.
- Et où est-ce que vous allez vous cacher ?
- Sur cette petite colline qu'il y a...
- Oui, j'ai compris.
Une autre pause.
- Ben, bonne chance et bonne nuit quand même.
- Vous de même.
Enfin, elle avait tiliphoné ! Mieux que rin. il se dirigea vers la voiture en chantonnant Guarda come dondolo."

Andrea Camilleri, Le Sourire d'Angelica, traduction Serge Quadruppani




Et on n'oubliera pas que ce Guarda come dondolo (dont les arrangements sont signés Ennio Morricone), figure sur la bande originale du Fanfaron, et qu'il y est même à l'honneur dans la bande-annonce.
Camilleri, Risi, avec eux aussi, même en automne, tout à coup le printemps est là...



jeudi 15 octobre 2015

Pour aller danser





Ce que je n'ai réalisé que tout récemment, c'est que c'est Charles Aznavour qui a écrit les paroles de cette chanson.

Et, en 1977, quatrième donc, vu à Rouen au Gaumont de la rue de la République :




mercredi 14 octobre 2015

Cette promesse de sel




"Si ce n'est pas ce soir que nous allons partir,
Quelle est dans le brouillard cette promesse de sel ?"

Marcel Thiry, Statue de la fatigue (1934)



lundi 12 octobre 2015

Les soirs étranges



"Paris change! mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé! palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs."

Charles Baudelaire, Le Cygne (Tableaux parisiens), Les Fleurs du mal 

jeudi 8 octobre 2015

Ciels florentins


Fiesole (1953)

Très cher Jean,

Toutes les gorges
D’oiseaux voudraient
Avoir ce bleu malade
De neige à ciels
Florentins
Mais que faire ?
Moi j’en ai marre
Et vais rentrer

Nicolas de Staël, Lettre à Jean Bauret, écrite d’Antibes fin décembre 1954

mercredi 7 octobre 2015

Mots en vague et chaise littéraire


Correspondances de Manosque 2015

"Qu’est-ce que la littérature ? C’est la mise en marche de l’esprit humain. Qu’est-ce que la civilisation ? C’est la perpétuelle découverte que fait à chaque pas l’esprit humain en marche ; de là le mot Progrès. On peut dire que littérature et civilisation sont identiques.
Les peuples se mesurent à leur littérature. Une armée de deux millions d’hommes passe, une Iliade reste ; Xercès a l’armée, l’épopée lui manque, Xercès s’évanouit. La Grèce est petite par le territoire et grande par Eschyle. Rome n’est qu’une ville ; mais par Tacite, Lucrèce, Virgile, Horace et Juvénal, cette ville emplit le monde. Si vous évoquez l’Espagne, Cervantès surgit ; si vous parlez de l’Italie, Dante se dresse ; si vous nommez l’Angleterre, Shakespeare apparaît. A de certains moments, la France se résume dans un génie, et le resplendissement de Paris se confond avec la clarté de Voltaire."

Victor Hugo, Discours d’ouverture du Congrès littéraire international, 17 juin 1878

lundi 5 octobre 2015

C'était en avril au Portugal



"La circulation était fluide et l'automobile glissait sans que j'entende le bruit du moteur. La radio marchait en sourdine et je me souviens qu'au moment où nous arrivions au pont de la Concorde, un orchestre jouait la musique d'Avril au Portugal. J'avais envie de siffler l'air. Paris, sous ce soleil de printemps, me semblait une ville neuve où je pénétrais pour la première fois, et le quai d'Orsay, après les Invalides, avait, ce matin-là, un charme de Méditerranée et de vacances. Oui, nous suivions la Croisette ou la Promenade des Anglais."


"La musique était celle d'un transistor noir posé sur une table de marbre circulaire. Par l'entrebâillement des deux portes-fenêtres, je distinguais l'herbe et les massifs du jardin, et le ciel, où brillait un croissant de lune.
Je me suis assis sur un tabouret au tissu brodé de fleurs et j'ai regardé autour de moi. Une lampe, tout au fond, enveloppait la chambre d'une lumière jaune et voilée. Sur la table de nuit, dans un désordre de médicaments, de journaux et de livres, une grosse bougie gainée de verre brûlait, et c'était elle, sans doute, qui répandait un parfum d'ambre à travers toute la pièce. Un lit très large à baldaquin, mais un baldaquin particulier, aérien, au ciel circulaire, l'aspect d'une nacelle ou d'un insecte géant. Un matelas aux draps défaits était posé à côté du lit, à même le sol.
-Vous êtes là?
La voix provenait du fond de la pièce, de derrière une porte entrouverte.
- Oui, madame.
- Ne m'appelez pas madame. Je m'excuse beaucoup de vous avoir fait attendre.
- Cela n'a aucune importance.
- Vous avez faim ?
-Non.
- Mais si... on va vous apporter à souper.
Elle forçait un peu sa voix pour que je l'entende de loin, et cela laissait percer un léger, presque imperceptible accent faubourien.
- Vous aimez cette musique ?
Une longue plainte au saxophone. Mais oui, je connaissais cet air. Distendu, ralenti, comme dans un rêve, c'était la musique d'Avril au Portugal."


"Vers deux heures du matin, l'ancien lad apportait le plateau du «déjeuner». Poulet froid. Dragées. Fruits. Jus d'orange. Elle voulait m'apprendre les règles du jeu de mah-jong auxquelles je ne comprenais rien, et les mêmes disques tournaient sur le pick-up. Bien que ce fût déjà le crépuscule pour eux à cette époque - comme Rocroy me le disait dans sa lettre - les chansons qui revenaient le plus souvent étaient des chansons de printemps : April in Paris, Some other Spring, Avril au Portugal... Elles suffisent pour me restituer l'atmosphère de ces nuits blanches et la présence de Carmen. Georges Maillot en sifflait lui aussi les refrains lents et tendres et je me demande si ces chansons n'avaient pas été, pour Carmen et pour lui, et d'autres gens d'un même groupe dont ils étaient les seuls survivants, un signe de reconnaissance."

Patrick Modiano, Quartier perdu

* * *

Le fado Avril au Portugal, écrit en 1947, qui a été immortalisé par Amália Rodrigues et a donné lieu a de très nombreuses versions et reprises, s'appelait à l'origine Coimbra.

Ce n'est pas à Coimbra que je suis allée en avril 2015, mais à Lisbonne.

Où, en avril 2015, on a croisé, comme dans Requiem, le fantôme de Pessoa...



Lisbonne où, bien sûr, on ne peut pas ne pas penser à un autre avril au Portugal, celui de 1974...


vendredi 2 octobre 2015