jeudi 31 mars 2016

Les lettres de Gustave, à lire ou à gueuler




Quant à l'idée de la patrie, c'est-à-dire d'une certaine portion de terrain dessinée sur la carte et séparée des autres par une ligne rouge ou bleue, non ! la patrie est pour moi le pays que j'aime, c'est-à-dire celui que je rêve, celui où je me trouve bien.
Lettre à Louise Colet, 1846

* * * 

Quand on aime, on aime tout. Tout se voit en bleu quand on porte des lunettes bleues. L’amour, comme le reste, n’est qu’une façon de voir et de sentir. C’est un point de vue un peu plus élevé, un peu plus large ; on y découvre des perspectives infinies et des horizons sans bornes.  
Lettre à Louise Colet, 1846
  
* * * 

As-tu éprouvé quelquefois le regret que l’on a pour des moments perdus, dont la douceur n’a pas été assez savourée ? C’est quand ils sont passés qu’ils reviennent au cœur, flambants, colorés, tranchant sur le reste comme une broderie d’or sur un fond sombre.  
Lettre à Louise Colet, 1846
  
* * * 

Chaque jour j’ai de plus en plus besoin de soleil ! Il n’y a guère que ça de beau au monde, ce grand bec de gaz suspendu là-haut par les ordres d’un Rambuteau inconnu !
Lettre à Ernest Chevalier, 1847
 
* * * 
 
Il est toujours triste de partir d’un lieu où l’on sait que l’on ne reviendra jamais. Voilà de ces mélancolies qui sont peut-être une des choses les plus profitables des voyages.  
Lettre à Louis Bouilhet, 1850
 
* * * 

Moi, avant de mourir, je revisiterai mes rêves.  
Lettre à Louise Colet, 1853
 
* * * 

Oh ! la vie pèse lourd sur ceux qui ont des ailes ; plus les ailes sont grandes, plus l’envergure est douloureuse. Les serins en cage sautillent, sont joyeux ; mais les aigles ont l’air sombre, parce qu’ils brisent leurs plumes contre les barreaux. Or nous sommes tous plus ou moins aigles ou serins, perroquets ou vautours. La dimension d’une âme peut se mesurer à sa souffrance, comme on calcule la profondeur des fleuves à leur courant.  
Lettre à Louise Colet, 1853
 
* * * 

Tout ce qu’on invente est vrai, sois-en sûre. La poésie est une chose aussi précise que la géométrie. L’induction vaut la déduction, et puis, arrivé à un certain point, on ne se trompe plus quant à tout ce qui est de l’âme.  
Lettre à Louise Colet, 1853 

* * * 

Ce qui me semble, à moi, le plus haut dans l’Art (et le plus difficile), ce n’est ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais d’agir à la façon de la nature, c’est-à-dire de faire rêver.  
Lettre à Louise Colet, 1853
 
* * * 

Le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l’Art cause une longue ivresse et il est inépuisable. C’est de penser à soi qui rend malheureux.  
Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 1858
 
* * * 

C’est surtout quand on voyage que l’on sent profondément la mélancolie de la matière, qui n’est que celle de notre âme projetée sur les objets.  
Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 1859
 
* * * 

Ah ! oui, je veux bien vous suivre dans une autre planète. Et à propos d’argent, c’est là ce qui rendra la nôtre inhabitable dans un avenir rapproché, car il sera impossible d’y vivre, même aux plus riches, sans s’occuper de son bien ; il faudra que tout le monde passe plusieurs heures par jour à tripoter ses capitaux. Charmant !  
Lettre à George Sand, 1867
 
* * * 

Je me suis pâmé, il y a huit ans, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons.
Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols, et j’ai entendu de jolis mots à la Prud’homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.
C’est la haine qu’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peut dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère.  
Lettre à George Sand, 1867
 
* * * 

Il faut toujours protester contre l’injustice et la bêtise, gueuler, écumer et écraser quand on le peut.
Lettre à George Sand, 1873
 
* * * 

Je n’attends plus rien de la vie qu’une suite de feuilles de papier à barbouiller de noir. Il me semble que je traverse une solitude sans fin, pour aller je ne sais où. Et c’est moi qui suis tout à la fois le désert, le voyageur et le chameau.  
Lettre à George Sand, 1875

 
Retour en 1980

vendredi 25 mars 2016

Lunes de mars


11 mars
"La Lune se lève,
O route en grand rêve !..."
Jules Laforgue, Solo de lune

12 mars
Zone




15 mars, rue Sainte-Anne
Cantate en lune et bleu

18 mars, place Félix-Eboué
Innocent cache-cache 
ou sournoise dissimulation ?
 

 
22 mars, Censier 
Toi, ma nuit

samedi 19 mars 2016

jeudi 17 mars 2016

Cent ans




C'est aujourd'hui, enfin il y a tout juste un siècle, le 17 mars 1916, que Guillaume Apollinaire est blessé à la tête au Bois des Buttes.




"Et n'est-ce pas ce soir, soudain, marchant sur l'herbe
Miraculeuse comme un dieu blanc sur les flots,
Que tu vas apparaître au détour de la fagne
Avec ton diadème à ton front de héros,
Ton oeil moqueur, ton uniforme de campagne,
Et soudain tout l'envol en geyser de tes mots ?"

Marcel Thiry, Commémoration d'Apollinaire, 1935

dimanche 13 mars 2016

13 ans


Ile de Ventotene, 2010

13 mars. 13 ans. Déjà. Et c'est encore une fois en Italie que je voudrais t'emmener, comme tu m'y as si souvent emmenée. Avec les magnifiques photos de Bernard Plossu, que j'ai vues l'année dernière à la Maison Européenne de la Photographie. Les regarder, c'est encore voyager. Tu aurais aimé.



"Toute mon enfance, j’ai entendu ma mère parler de nos origines italiennes, j’entendais les noms de tante Dina et de Nana, mon arrière grand-mère. Puis un jour, au début des années 1970, je suis parti à Naples, à Rome et à Pompéi sous une pluie torrentielle : c’était magnifique. (…)

Ile de Capraia, 2014
 
Tout m’attire, et je photographie partout, à pied, en auto, en train, les paysages, les gens, les ambiances, l’architecture, le présent, le passé, le futur, la poésie… (…)

Spilimbergo, 2008

Je suis hanté par Carlo Carra, Campigli, Morandi, et aussi Véronèse, Giotto, Piero della Francesca, par Carlo Emilio Gadda, Rosetta Loy, Giuseppe Bonaviri, Andrea Camilleri, par les souvenirs des films que je voyais dans les années 1960, comme les dernières minutes de L'Éclipse, ou La Nuit d’Antonioni, ou tous les Dino Risi, et La Strada, la liste est sans fin."

Bernard Plossu

Lucca, 2009

Et comme un voyage en Italie ne saurait être parfait sans un peu de musique, souviens-toi avec moi de Giovanna Marini, dont nous avions vu un spectacle à la fin des années 70 au Théâtre Maxime Gorki de Petit-Quevilly. Je ne peux plus depuis écouter Bella Ciao sans frissonner.


lundi 7 mars 2016

Promenades (9) - Gobelins (13) - Autour du square Le Gall



On a déjà évoqué ici le paisible îlot de la Reine Blanche. Il fait partie du quartier de Croulebarbe, qui s'étend dans le 13ème arrondissement entre l'avenue des Gobelins, le boulevard de Port-Royal, la rue de la Santé et le boulevard Auguste-Blanqui. Croulebarbe est le nom d'une famille qui au XIIIe siècle possédait notamment un moulin sur la Bièvre, dont le fief se situait à l'endroit occupé par la rue du même nom qui traverse le quartier.

Jouxtant la rue Croulebarbe et l'îlot de la Reine Blanche, le grand square René-Le Gall (aussi appelé jardin des Gobelins). Ce square est relativement récent : il a été construit en 1938 sur l'emplacement d'une petite île formée par les bras de la Bièvre, où les ouvriers de la Manufacture des Gobelins venaient boire et danser. Il tire son nom d'un conseiller communiste du 13ème arrondissement arrêté par la police française en novembre 1939 et fusillé par les autorités allemandes le 7 mars 1942.

Le square et les rues alentour offrent un charmant lieu de promenade, où dans le calme de dimanches après-midi qu'on dirait de province, bâtiments, plaques, inscriptions racontent dans le temps suspendu comme une histoire sans paroles...



Le Veilleur du square


La rue Croulebarbe, mon vieux... elle est terrible !


Rue des Reculettes


Rue Pascal


Boulevard Arago

jeudi 3 mars 2016

Et tout, même la couleur noire...


Paris la nuit (1954)

"Et tout, même la couleur noire,
Semblait fourbi, clair, irisé ;
Le liquide enchâssait sa gloire
Dans le rayon cristallisé.

Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges
De soleil, même au bas du ciel,
Pour illuminer ces prodiges,
Qui brillaient d'un feu personnel !

Et sur ces mouvantes merveilles
Planait (terrible nouveauté !
Tout pour l'œil, rien pour les oreilles !)
Un silence d'éternité."

Charles Baudelaire, extrait de Rêve parisien (Les Fleurs du mal)


mardi 1 mars 2016

Gobelins (12) - Dans le soir électrique


Et comme des fantômes filer dans le soir électrique vers les paradis bleus