vendredi 28 février 2014

La taille de son âme


On est fou
On est con
C'est tant mieux
Ça évite de devenir...
Suicidé
Daniel Darc, "C'était mieux avant"


lundi 24 février 2014

Presqu'un IKB

Les Verdons Sud - Février 2014

"Je me souviens de l'exposition Yves Klein, à la galerie Allendy, rue de l'Assomption."
Georges Perec, Je me souviens n°118

vendredi 21 février 2014

Lire les vacances, ailleurs



Et puisque c’est Claude Moine qui était au micro de la bande originale du film de Tavernier, on ne va pas se priver du plaisir de l’écouter chanter les charmes de l’ailleurs... : ici

jeudi 20 février 2014

Voir si le coeur de la ville bat en toi

Norman Parkinson - 1959


"New York est une ville de plein air, coupée au cordeau, venteuse et saine, où s'allongent deux fleuves étincelants : l'Hudson et l'East River. New York vibre nuit et jour sous des coups de vents marins, odorants, chargés de sel et d'essence - le jour -, et d'alcool renversé - la nuit. New York est une grande jeune femme blonde, éclatante et provocante au soleil, belle comme ce "rêve de pierre" dont parlait Baudelaire, New York qui cache aussi, comme certaines de ces grandes femmes trop blondes, des zones sombres et noires, touffues et ravagées. Bref, si le lecteur veut bien me passer ce lieu commun - et d'ailleurs que peut-il faire d'autre - New York est une ville fascinante."
Françoise Sagan, Avec mon meilleur souvenir

Été 2012

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

Charles Baudelaire, La Beauté (Les Fleurs du mal)



lundi 17 février 2014

Le jour où...(6)


Le jour où j’ai cherché longuement, et sans succès, la tombe de Maurice Schérer au cimetière du Montparnasse (munie d’un plan, pourtant), j’ai été prise d'un léger vertige temporel et, étaient-ce les doux rayons de ce soleil de février qui semblaient tirer la langue à l’hiver, je me suis demandé si finalement, un nouveau film d'Eric Rohmer n'allait pas sortir bientôt, un conte de la cinquième saison par exemple...

dimanche 16 février 2014

Les mots blancs de Reinette



"Mathilde.
Elle est née un matin de janvier. Un matin d'hiver.
Cette année-là, il y avait beaucoup de neige.
La neige lui a donné l'amour de la blancheur et du secret. Les flocons, l'amour des sons assourdis, du silence. Le froid, l'amour du feu, de la chaleur dans le froid. L'amour. La folie de vivre. Elle. Mathilde.
Un visage, un sourire d'enfant, des yeux d'adulte, depuis toujours. Mathilde, l'enfant de la nuit et de la lune. Des cheveux noirs encerclant un visage blanc. Un teint de morte, transparent, d'immenses yeux sombres, vivants. Des lèvres fines, éternellement mordues, rouges sang. Un menton volontaire, en croissant de lune."



"A la fin de la journée, maman tremblait en composant les numéros. Elle avait presque honte de demander du travail. Elle n'osait plus dire qu'elle avait lu toute sa vie, qu'elle chantait, jardinait, qu'elle était jeune et belle. Elle n'osait plus car on lui riait au nez. Sur le marché du travail, elle ne valait rien, sa vie ne valait rien.
Maman avait quarante ans, en paraissait trente, les hommes la sifflaient dans la rue, et nous apprenions qu'elle était vieille. "Trop vieille", lui répétaient les employeurs. A quarante ans, à Paris, une femme est vieille."

***

"Mon père pleure avec démesure et j'en suis fière. La démesure, c'est notre bien de famille. Mon frère Antoine réagit démesurément lui aussi. Il n'accepte pas non plus que notre frère soit traité comme les autres. Avec un franc-parler qui m'est devenu cher depuis ce jour, il tonne :
- Bon dieu, on vous a payé pour mettre un disque, l'abbé, mettez-le !
Le curé se signe, mon frère poursuit hors de lui.
- Et vous, les gueules d'emplâtre, regardez vos pompes et ouvrez vos oreilles !
Le curé obéit, la voix de Bette Midler chantant "The Rose" résonne dans l'église. Mon frère gueule : "Plus fort ! ". La musique emplit l'église, mon père peut pleurer en paix."



mercredi 12 février 2014

Passage des Panoramas

 

Ouvert en 1799, le passage des Panoramas est le plus ancien passage couvert de Paris. Il tire son nom d’une attraction alors en vogue venant de Londres, les panoramas (ou panoramiques), sortes de constructions où des paysages peints exposés circulairement sur le mur intérieur de rotondes donnaient l’illusion, par un effet de trompe-l’œil, de la réalité. Deux tours rondes, aujourd’hui disparues, avaient été édifiées à cet effet à l’entrée du passage donnant sur le boulevard Montmartre.  


L’endroit est longuement décrit par Zola dans Nana, puisque c’est dans le passage des Panoramas que se trouve la sortie des artistes du Théâtre des Variétés, où la jeune femme joue le rôle de Vénus. Le passage devient son lieu de promenade et de rendez-vous favori.



"Trois mois plus tard, un soir de décembre, le comte Muffat se promenait dans le passage des Panoramas. La soirée était très douce, une averse venait d’emplir le passage d’un flot de monde. Il y avait là une cohue, un défilé pénible et lent, resserré entre les boutiques. C’était, sous les vitres blanchies de reflets, un violent éclairage, une coulée de clartés, des globes blancs, des lanternes rouges, des transparents bleus, des rampes de gaz, des montres et des éventails géants en traits de flamme, brûlant en l’air; et le bariolage des étalages, l’or des bijoutiers, les cristaux des confiseurs, les soies claires des modistes, flambaient, derrière la pureté des glaces, dans le coup de lumière crue des réflecteurs; tandis que, parmi la débandade peinturlurée des enseignes, un énorme gant de pourpre, au loin, semblait une main saignante, coupée et attachée par une manchette jaune.
Doucement, le comte Muffat était remonté jusqu’au boulevard. Il jeta un regard sur la chaussée, puis revint à petits pas, rasant les boutiques. Un air humide et chauffé mettait une vapeur lumineuse dans l’étroit couloir. Le long des dalles, mouillées par l’égouttement des parapluies, les pas sonnaient, continuellement, sans un bruit de voix. Des promeneurs, en le coudoyant à chaque tour, l’examinaient, la face muette, blêmie par le gaz. Alors, pour échapper à ces curiosités, le comte se planta devant une papeterie, où il contempla avec une attention profonde un étalage de presse-papiers, des boules de verre dans lesquelles flottaient des paysages et des fleurs.
Il ne voyait rien, il songeait à Nana. Pourquoi venait-elle de mentir une fois encore ?
[...]
Elle adorait le passage des Panoramas. C’était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l’article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. Quand elle passait, elle ne pouvait s’arracher des étalages, comme à l’époque où elle traînait ses savates de gamine, s’oubliant devant les sucreries d’un chocolatier, écoutant jouer de l’orgue dans une boutique voisine, prise surtout par le goût criard des bibelots à bon marché, des nécessaires dans des coquilles de noix, des hottes de chiffonnier pour les cure-dents, des colonnes Vendôme et des obélisques portant des thermomètres."



Le passage des Panoramas a conservé son clinquant, ses dorures. A l’image des grands boulevards sur lesquels il est situé, il reste dans la journée très animé, trop animé sans doute pour prêter à la rêverie. C’est très tôt le matin qu’il est agréable de l’emprunter, peu après l’heure où Paris s'éveille...

Mais son attrait le plus irrésistible réside pour moi dans la boutique de cartes postales anciennes située au numéro 50. Dans cette malle aux trésors idéale pour un voyage aussi bien dans l’espace que dans le temps, on trouve des vues d’Italie, de Rouen, et de bien d’autres lieux de grâce ou de mémoire. Et il suffit de retourner les cartes pour devenir le témoin curieux, indiscret, parfois fasciné, de bribes de vies évanouies, qu’elles soient banales, mystérieuses, poignantes... Exactement de quoi, selon l’expression et le souhait de Van dans Ada ou l’ardeur, "caresser le temps".




lundi 10 février 2014

Un cadeau ayant du nez


"Que dites-vous ?... C'est inutile ?... Je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès !
Non ! non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !". 


dimanche 9 février 2014

Biches (2) - Le grand profit



"- Mais après ? dit Carle.
- Après, on sera de retour. On aura les biches dans le filet. On aura fait attention à leurs jambes. Elles ont de petites jambes minces, cassantes comme du verre. On leur aura dit des tendresses tout le long, et donné du pain, et donné du sucre, et caressé doucement le dessus du nez, là où toi tu as ces gros sourcils de renard. Là elles sont très sensibles. Une fois ici on ouvrira les filets. Alors, d'abord elles trembleront sur leurs pattes et peut-être elle pleureront. Car elles pleurent. Et puis, tout d'un coup, en se revoyant libres, elles donneront un coup de rein et elles feront un saut, puis un autre, puis un autre, dansant et sautant en tournant la tête. Et leur petite queue claque. Et de temps en temps elles s'arrêtent, appellent, puis recommencent à sauter. Et ainsi elles iront jusqu'à la forêt Grémone. Elles entreront dans la forêt. Et voilà. Et quelque temps après arrivera la saison des amours. Non, Carle, ça n'est pas fait pour un profit, ou tout au moins pour un profit comme tu le comprends. C'est fait pour le grand profit. C'est fait, mon vieux, pour que notre joie demeure."

Le plateau Grémone ?

 "Jourdan, tu te souviens d'Orion-fleur de carotte ?
- Je me souviens.
- Le champ que tu labourais, le tabac que tu m'as donné ?
- Je me souviens.
- Tu m'as demandé : "N'as-tu jamais soigné les lépreux ?"
- Je me souviens comme d'hier. Tu m'as répondu : "Non, je n'ai jamais soigné les lépreux."
- Tu traînais une grande peine.
- Oui.
- Plus de goût.
- Non.
- Plus d'amour.
- Non.
- Rien.
- La vieillesse, dit Jourdan.
- Tu te souviens, dit Bobi, de la grande nuit ? Elle fermait la terre sur tous les bords.
- Je me souviens.
- Alors je t’ai dit : "Regarde là-haut, Orion-fleur de carotte, un petit paquet d’étoiles."
Jourdan ne répondit pas. Il regarda Jacquou, et Randoulet, et Carle. Ils écoutaient.
"Et si je t’avais dit Orion tout seul, dit Bobi, tu aurais vu les étoiles, pas plus, et, des étoiles ça n’était pas la première fois que tu en voyais, et ça n’avait pas guéri les lépreux cependant. Et si je t’avais dit : fleur de carotte tout seul, tu aurais vu seulement la fleur de carotte comme tu l’avais déjà vue mille fois sans résultat. Mais je t’ai dit : Orion-fleur de carotte, et d’abord tu m’as demandé : "Pardon ?" pour que je répète, et je l’ai répété. Alors, tu as vu cette fleur de carotte dans le ciel et le ciel a été fleuri.
- Je me souviens, dit Jourdan à voix basse.
- Et tu étais déjà un peu guéri, dis la vérité.
- Oui", dit Jourdan.
Bobi laissa le silence s’allonger. Il voulait voir. Tout le monde écoutait. Personne n’avait envie de parler.
"De cet Orion-fleur de carotte, dit Bobi, je suis le propriétaire. Si je ne le dis pas, personne ne voit ; si je le dis, tout le monde voit. Si je ne le dis pas je le garde. Si je le dis je le donne. Qu’est-ce qui vaut mieux ?"
Jourdan regarda droit devant lui sans répondre.
"Le monde se trompe, dit Bobi. Vous croyez que c’est ce que vous gardez qui vous fait riche. On vous l’a dit. Moi je vous dis que c’est ce que vous donnez qui vous fait riche. Qu’est-ce que j’ai moi, regardez-moi."
Il se dressa. Il se fit voir. Il n’avait rien. Rien que son maillot et, dessous, sa peau. Il releva ses grands bras, agita ses longues mains vides. Rien. Rien que ses bras et ses mains.
"Vous n’avez pas d’autre grange que cette grange-là, dit-il en frappant la poitrine. Tout ce que vous entassez hors de votre cœur est perdu."

Jean Giono, Que ma joie demeure


vendredi 7 février 2014

Un blanc manteau... bien chaud !


Parce qu'il est des familles dont le sourire, la générosité, l'humanité, l'engagement et la rage aussi, font vraiment, vraiment chaud au cœur.


 Et parce que ça, ça remonte à bien loin aussi...

mercredi 5 février 2014

Pour saluer Melvil



Melvil Poupaud, ou d'un conte l'autre.
En 1996, il est de Dinard à Saint-Lunaire le charmant et indécis Gaspard du Conte d'été, d'Eric Rohmer - Léna, Solène, Margot, comment choisir, quand justement, on n'a pas tellement envie de choisir, quitte à n'en avoir finalement aucune ?   


Quelque dix ans plus tard, changement de saison et de région, il joue Ivan, le plus jeune fils d'une famille roubaisienne qui tout à la fois se retrouve et se déchire dans l'élégant, cruel et émouvant Un conte de Noël d'Arnaud Desplechin.


Mais c'est dès l'enfance que le conte, l'aventure, la carrière du petit Melvil commencent, grâce à Raoul Ruiz, dont il fut un des acteurs fétiches, et qui a été pour lui un peu ce que François Truffaut a été pour Jean-Pierre Léaud ou Maurice Pialat pour Sandrine Bonnaire. Enfant de la balle comme Léaud, il a côtoyé celui-ci plusieurs fois à l'écran, notamment dans L'Ile au Trésor de Ruiz - tourné en 1985, même s'il ne sort qu'en 1991. Jouer avec Jean-Pierre Léaud et Anna Karina quand on n'a que douze ans, on fait pire comme débuts au cinéma... (en fait, L'Ile au trésor était le deuxième film de Melvil Poupaud, précédé deux ans plus tôt par La Ville des pirates, de Raoul Ruiz déjà).


"Ma mère m'a toujours dit qu'elle m'avait prénommé Melvil à cause d'Herman Melville, auteur de Moby Dick, mais que, pour en faire un prénom plus masculin, elle avait choisi d'en changer l'orthographe, opérant l'ablation du "le" final, jugé trop féminin.
Ce n'est que récemment que mon père m'a livré sa version des faits : d'après lui, Melvil est la fusion de deux prénoms entre lesquels ils hésitaient avant ma naissance : Melchior et Virgile."

lundi 3 février 2014

Biches (1)


Frank Alamo avait, paraît-il, choisi son nom d'artiste en référence au film de John Wayne. Et il t'est comme par hasard revenu en mémoire que ça aussi, ta maman le chantait - sous le titre français Le bleu de l'été
Le temps d'une larme, 
Le temps d'un sourire, 
Le temps les efface,
Mais toi tu es là...