Ouvert en 1799, le passage des Panoramas est le plus ancien passage couvert de
Paris. Il tire son nom d’une attraction alors en vogue venant de Londres, les
panoramas (ou panoramiques), sortes de constructions où des paysages peints
exposés circulairement sur le mur intérieur de rotondes donnaient l’illusion, par
un effet de trompe-l’œil, de la réalité. Deux tours rondes, aujourd’hui disparues, avaient été édifiées à cet effet à l’entrée
du passage donnant sur le boulevard Montmartre.
L’endroit est longuement décrit par Zola dans Nana, puisque
c’est dans le passage des Panoramas que se trouve la sortie des artistes du Théâtre des Variétés, où la
jeune femme joue le rôle de Vénus. Le passage devient son lieu de promenade et
de rendez-vous favori.
Il ne voyait rien, il songeait à Nana. Pourquoi venait-elle de mentir une fois encore ?
[...]
Elle adorait le passage des Panoramas. C’était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l’article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. Quand elle passait, elle ne pouvait s’arracher des étalages, comme à l’époque où elle traînait ses savates de gamine, s’oubliant devant les sucreries d’un chocolatier, écoutant jouer de l’orgue dans une boutique voisine, prise surtout par le goût criard des bibelots à bon marché, des nécessaires dans des coquilles de noix, des hottes de chiffonnier pour les cure-dents, des colonnes Vendôme et des obélisques portant des thermomètres."
"Trois mois plus tard, un soir de décembre, le comte Muffat
se promenait dans le passage des Panoramas. La soirée était très douce, une
averse venait d’emplir le passage d’un flot de monde. Il y avait là une cohue,
un défilé pénible et lent, resserré entre les boutiques. C’était, sous les
vitres blanchies de reflets, un violent éclairage, une coulée de clartés, des
globes blancs, des lanternes rouges, des transparents bleus, des rampes de gaz,
des montres et des éventails géants en traits de flamme, brûlant en l’air; et
le bariolage des étalages, l’or des bijoutiers, les cristaux des confiseurs,
les soies claires des modistes, flambaient, derrière la pureté des glaces, dans
le coup de lumière crue des réflecteurs; tandis que, parmi la débandade
peinturlurée des enseignes, un énorme gant de pourpre, au loin, semblait une
main saignante, coupée et attachée par une manchette jaune.
Doucement, le comte Muffat était remonté jusqu’au boulevard. Il jeta un
regard sur la chaussée, puis revint à petits pas, rasant les boutiques. Un air
humide et chauffé mettait une vapeur lumineuse dans l’étroit couloir. Le long
des dalles, mouillées par l’égouttement des parapluies, les pas sonnaient,
continuellement, sans un bruit de voix. Des promeneurs, en le coudoyant à
chaque tour, l’examinaient, la face muette, blêmie par le gaz. Alors, pour
échapper à ces curiosités, le comte se planta devant une papeterie, où il
contempla avec une attention profonde un étalage de presse-papiers, des boules
de verre dans lesquelles flottaient des paysages et des fleurs.Il ne voyait rien, il songeait à Nana. Pourquoi venait-elle de mentir une fois encore ?
[...]
Elle adorait le passage des Panoramas. C’était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l’article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. Quand elle passait, elle ne pouvait s’arracher des étalages, comme à l’époque où elle traînait ses savates de gamine, s’oubliant devant les sucreries d’un chocolatier, écoutant jouer de l’orgue dans une boutique voisine, prise surtout par le goût criard des bibelots à bon marché, des nécessaires dans des coquilles de noix, des hottes de chiffonnier pour les cure-dents, des colonnes Vendôme et des obélisques portant des thermomètres."
Le passage des Panoramas a conservé son clinquant, ses
dorures. A l’image des grands boulevards sur lesquels il est situé, il reste dans
la journée très animé, trop animé sans doute pour prêter à la rêverie. C’est
très tôt le matin qu’il est agréable de l’emprunter, peu après l’heure où Paris s'éveille...
Mais son attrait le plus irrésistible réside pour moi dans la boutique de cartes postales anciennes située au numéro 50. Dans cette malle aux trésors idéale pour un voyage aussi bien dans l’espace que dans le temps, on trouve des vues d’Italie, de Rouen, et de bien d’autres lieux de grâce ou de mémoire. Et il suffit de retourner les cartes pour devenir le témoin curieux, indiscret, parfois fasciné, de bribes de vies évanouies, qu’elles soient banales, mystérieuses, poignantes... Exactement de quoi, selon l’expression et le souhait de Van dans Ada ou l’ardeur, "caresser le temps".
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