lundi 8 juin 2015

Le jour où...(15) - Le poète, la pianiste, la douleur et la main


Ma Douleur, donne-moi la main...

Le jour où, il y a une dizaine d'années, j'amenai une jeune pianiste, malchanceuse basketteuse occasionnelle, se faire radiographier et soigner une foulure de phalange dans un "Institut de la Main" situé 5 rue du Dôme, je n'avais pas conscience que Charles Baudelaire avait passé la dernière année de sa vie à quelques dizaines de mètres à peine, au numéro 1 de la même rue, dans la clinique du Docteur Duval.


Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal



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