mardi 19 septembre 2017

René, Jean-Claude et Miles



"Le calme parfait du cimetière me surprit après l'agitation du petit restaurant. On franchissait un mur et la fièvre de la ville laissait place à un immense jardin. Mille touches de couleurs respiraient sous un limpide ciel de septembre. Personne dans ces larges allées qu'un employé arrosait en sifflotant.
En grimpant vers le crématorium, je me souvins d'une matinée semblable à celle-ci, paisible et bleue. Nous avions accompagné Jean-Claude, notre ami, jusqu'aux portes de l'éternité. Pendant que son corps brûlait nous avions écouté la trompette de Miles Davis, lointaine, mélancolique, et cette mélodie ressemblait à tous les personnages de Total Khéops et à cette ville qui étaient sortis de son cœur. Instant inoubliable. Inoubliable ami."

* * *

 "Il introduisit un CD dans le lecteur.
– Tu aimes le jazz ? me demanda-t-il.
– J'en écoute peu.
– Si tu n'aimes pas ce morceau, c'est que tu as une pierre à la place du cœur. Il m'arrive de pleurer en l'écoutant.
– Qu'est-ce que c'est ?
So What. Trompette, Miles Davis. Sax ténor, Coltrane. Drums, DeJohnette. Contrebasse, Gary Peacock. Et au clavier, Herbie Hancock. Enregistré dans un caboulot de Pittsburgh dans les années soixante.
Cette voiture luxueuse conduite par un truand, l'évasion rocambolesque que nous préparions, ce morceau de jazz sous les lumières d'Avignon, j'avais l'impression d'être un acteur dans un film de Melville. Si le cinéma n’existait pas il y aurait beaucoup moins de voyous, pensais-je. Qui s'intéresse aux plombiers ?"




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