"Je me rappelle comme si c'était hier le moment où j'ai refermé la porte.
Le souvenir de Baba et mon sac étaient mes seuls bagages. Je n'avais
aucun endroit où aller. Je me souviens m'être demandé s'il était
possible qu'une route ne finisse jamais. Alors j'ai décidé de commencer
ainsi. Voir jusqu'où la route irait. Cela me semblait un bon début."
"Nous marchons pendant des heures et des heures, frappés par le
couvercle en fonte du ciel. Et puis, au détour d'un chemin, nous la
voyons. La mer a son manteau de cobalt et le soleil fait rôtir sa
cuirasse étoilée. Nous savons que notre voyage s'arrêtera là, au milieu
des étoiles du jour, là où finissent de brûler les amours impossibles.
Ni Igor ni moi ne prononçons le moindre mot, nos yeux fixés sur cet
horizon tracé par sa propre infinité, sans arbre ni montagne pour le
circonscrire. Nos yeux aimantés à cette ligne infinie, par-delà le ciel,
la terre et la mer, ruban de couleur mouvante, tantôt bleu, gris ou
orangé, confins des nuages, du jour et de la nuit, qui se révèle à nous
comme l'ultime destination, celle du dernier voyage. Celui que l'on fait
seul."
* * *
Une immense sensation de calme de Laurine Roux est un conte hors du temps d'une somptueuse beauté, porté par une écriture lumineuse.