vendredi 4 décembre 2015

Lago di Como (3) - Gobelins (9)


Menaggio - envoyée par Odile S. à Reine D. le 22 avril 1908

On a déjà évoqué, ici et , le sublime Lac de Côme. Mais rien n'empêche d'y revenir. Au cœur d'un automne bien sombre, les vertus du voyage en Italie ne sont plus à démontrer.

Urio - Envoyée par Odile S. à Reine D. le 10 septembre 1906

Le lac de Côme fut notamment le théâtre des amours de Franz Liszt avec la comtesse Marie d'Agoult.
“Lorsque vous écrirez l'histoire de deux amants heureux, placez-les sur les bords du lac de Côme. Je ne connais pas de contrée plus manifestement bénie du ciel ; je n'en ai point vu où les enchantements d'une vie d'amour paraîtraient plus naturels”, écrit-il à un de ses amis depuis Bellagio, sur les rives du lac. (in Lettres d'un bachelier ès musique)

Bellagio - Envoyée par Odile S. à Marie D. le 31 août 1906

Et Stendhal, encore et toujours, véritablement amoureux du lac de Côme, longuement évoqué dans La Chartreuse de Parme.
“C'était avec ravissement que la comtesse retrouvait les souvenirs de sa première jeunesse et les comparait à ses sensations actuelles. « Le lac de Côme, se disait-elle, n'est point environné, comme le lac de Genève, de grandes pièces de terre bien closes et cultivées selon les meilleures méthodes, choses qui rappellent l'argent et la spéculation. Ici de tous côtés je vois des collines d'inégales hauteurs couvertes de bouquets d'arbres plantés par le hasard, et que la main de l'homme n'a pas encore gâtés et forcés à rendre du revenu. Au milieu de ces collines aux formes admirables et se précipitant vers le lac par des pentes si singulières, je puis garder toutes les illusions des descriptions du Tasse et de l'Arioste. Tout est noble et tendre, tout parle d'amour, rien ne rappelle les laideurs de la civilisation. »

Bellagio - Envoyée par Odile S. à Reine D. le 31 août 1906

Et Fabrice Del Dongo lui-même : « Je voudrais, avant de mourir, aller revoir le champ de bataille de Waterloo, et tâcher de reconnaître la prairie où je fus si gaiement enlevé de mon cheval et assis par terre. Ce pèlerinage accompli, je reviendrais souvent sur ce lac sublime ; rien d'aussi beau ne peut se voir au monde, du moins pour mon cœur. A quoi bon aller si loin chercher le bonheur, il est là sous mes yeux ! »

* * *

Ces belles cartes postales du lac de Côme, je les ai trouvées bien sûr dans ma boutique préférée du Passage des Panoramas. Fait assez étonnant, dont je ne me suis rendu compte qu'après les avoir choisies, elles proviennent d'une même correspondance, ce qui leur donne un petit supplément d'âme. En quelques cartes, en quelques mots griffonnés d'une belle écriture tout en pleins et déliés, on imagine déjà un début d'histoire, on voit s'ébaucher des vies lointaines sorties du passé.

En 1906 et en 1908, donc, Odile S., en villégiature manifestement régulière sur les bords du lac, écrivait à Marie et surtout Reine D. Marie et Reine étaient-elles sœurs ? Ou mère et fille ? L'un ou l'autre, sans doute, car Odile écrit à Marie "je n'oublie pas votre chère petite Reinette". Reine, qui habite à Paris, mais, curieusement, d'après les trois cartes ci-dessus qui lui sont destinées, à trois adresses successives. Rue Picot d'abord, puis rue Broca, et enfin rue des Gobelins.


Rue des Gobelins, tiens, quel drôle de hasard... Cette petite rue calme, un peu d'un autre temps, située derrière le carrefour et la Manufacture des Gobelins, et dans laquelle je passe souvent.


La rue des Gobelins, ancienne rue de Bièvre, fait partie de l’"îlot de la Reine Blanche" (encore une étrange coïncidence...), qui tire son nom du Château de la Reine Blanche, dont on voit l'arrière au numéro 17.


Qui étais-tu donc, Reine, Reinette, qui recevais des cartes postales d'Italie et habitais tout près de chez moi, dans le quartier de la Reine Blanche... ?

4 commentaires:

  1. Même si, aujourd'hui, il semble bien que le lac soit finalement encerclé par " l'argent et la spéculation", rien ne pourra remplacer ces heures tardives passées près de l'embarcadère où l'on ne peut que rêver. Merci pour ces cartes postales numériques.

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    1. "L'argent et la spéculation", oui, vous avez raison, je me suis un peu dit la même chose en recopiant ce passage. Néanmoins, le charme subsiste...

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  2. Subsister, malgré l'argent et la spéculation : voilà bien le pauvre destin de nos âmes modernes.
    Cela ne rend que plus précieuses vos cartes venues d'avant. Merci.

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    1. Oui, et j'ajouterais malgré aussi la peur, la haine, la bêtise...

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