dimanche 25 septembre 2016

Promenades (10) - Sur les traces de François et Victor



A priori, une place François Truffaut dans le 5ème arrondissement a de quoi surprendre, quand on connaît un peu Paris et qu'on sait que la rue François Truffaut, ouverte il y a une vingtaine d'années dans le nouveau quartier de Bercy, pas très loin de la Cinémathèque, se trouve donc dans le 12ème arrondissement.
(On évitera aussi la confusion avec la rue Truffaut du 17ème arrondissement, dans le quartier des Batignolles, qui doit son nom au propriétaire d'un terrain sur lequel elle a été créée, au 19ème siècle.)


Cette plaque se découvre en fait derrière les murs de l'Institut National de Jeunes Sourds de Paris, situé à l'angle de la rue Saint-Jacques et de la rue de l'Abbé-de-l'Epée. Une place intérieure en quelque sorte, en hommage au réalisateur qui y tourna en 1969 une partie de son film L'Enfant Sauvage, sorti en 1970. Une autre plaque commémore d'ailleurs explicitement le tournage en ces lieux, qui dura huit jours.


C'est par un dimanche de septembre qu'on a poussé la porte de l'INJS, pour découvrir ce bel endroit dont l'origine remonte au 13ème siècle, où il fut créé pour servir de refuge et d'hôpital aux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Devenu abbaye au 17ème siècle, époque de laquelle date la configuration actuelle des bâtiments, il accueille à partir de la fin du 18ème siècle un institut pour les enfants et les jeunes adultes sourds et muets.


Ce n'est pas par hasard que Truffaut situe en ces lieux plusieurs scènes de L'Enfant sauvage. On sait que le film relate l'histoire vraie d'un enfant d'une dizaine d'années trouvé en 1798 par des paysans dans une forêt de l'Aveyron, à l'état sauvage, ne sachant ni marcher ni parler. Il est recueilli par le Docteur Itard, médecin de l'institution de la rue Saint-Jacques, qui le prénomme Victor et va entreprendre son éducation, notamment son apprentissage du langage. Truffaut a voulu son film fidèle aux rapports rédigés par le Docteur Itard, dont il joue lui-même le rôle.

L'arrivée de Victor rue Saint-Jacques, où il est accueilli par le Docteur Itard.

Quelque 45 ans après, on a reconnu les lieux du tournage.








 


A propos du bassin de l'Oratoire, au bord duquel La Fontaine aurait composé Le corbeau et renard, le docteur Itard note dans un de ses rapports : « Ainsi, lorsque la rigueur du temps chassait tout le monde du jardin, c’était le moment qu’il choisissait pour y descendre. Il en faisait plusieurs fois le tour et finissait par s’asseoir au bord du bassin. Je me suis souvent arrêté pendant des heures entières et avec un plaisir indicible, à l’examiner dans cette situation ; à voir comment tous ces mouvements spasmodiques et ce balancement de tout son corps diminuaient, s’apaisaient par degrés, pour faire place à une attitude plus tranquille ».


On ne manquera pas de noter, pour terminer, que le film est dédié à Jean-Pierre Léaud.
"Jusqu'à L'Enfant sauvage, quand j'avais eu des enfants dans mes films, je m'identifiais à eux et là, pour la première fois, je me suis identifié à l'adulte, au père, au point qu'à la fin du montage, j'ai dédié le film à Jean-Pierre Léaud, parce que ce passage, ce relais, devenait complètement clair pour moi, évident. J'ai beaucoup pensé à lui, aux 400 coups, en tournant ce film. Pour moi, L'Enfant sauvage, c'est aussi un passage dans le camp des adultes. Jusqu'à présent, je me considérais dans celui des adolescents." (François Truffaut)


En remerciant J. et F. pour leur bienveillante et inspirante collaboration.

11 commentaires:

  1. Billet très instuctif, merci chère Florence. Si je ne dis pas de bêtise, Truffaut séjourna un temps dans un meublé rue Truffaut. Il n'en était pas peu fier...

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    1. Quel joli clin d'oeil, merci ! Je crois qu'une petite promenade dans le quartier, qui est d'ailleurs un fief d'Antoine Doisnel, s'imposera...

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    2. "Doinel", bien sûr... Je sens que ce début de semaine va être difficile !

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    3. Et je tiens de Michel Lebrun, qui habitait rue Truffaut, qu'un des rêves de FT était précisément de trouver un appartement dans la rue. Mais il ne trouva jamais ce qu'il cherchait...

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    4. Merci beaucoup pour cette intéressante précision !

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  2. Quelques années auparavant, Truffaut avait déjà tourné juste à côté.

    Dans l'une des dernières scènes de Jules et Jim (1962), Jim retrouve par hasard Jules et Catherine au Studio des Ursulines (j'ai oublié à la sortie de quel film — le sait-on seulement ?), dont la sortie de secours donne justement rue de l'Abbé-de-l'Epée, entre la rue Saint-Jacques et la rue Gay-Lussac, à deux pas de l'entrée de l'INJS.

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    1. Tiens tiens, je ne m'en souvenais plus. J'irai voir ça de plus près !

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  3. Merci Florence de nous avoir ouvert les portes de ce très bel endroit !

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  4. De belles recherches et le plaisir de replonger dans l'enfant sauvage. Merci à vous, chère Florence.

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    1. Merci à vous de venir si souvent vous promener par ici !

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