mardi 21 janvier 2014

Le poids d'un rais de soleil


"On sait jamais le poids d'un rais de soleil. Tous les matins - je parle de dans le temps - tous les matins le soleil sortait. En face de lui, il y avait le plateau. Tous les matins, le soleil jetait là-dessus son premier rayon. Ça n'était pas de méchanceté ; c'était pour jouer. Tu n'as jamais vu ce premier rayon, si ? Eh bien alors tu sauras si ce que je dis est vrai. On l'attend, on le prévoit ; il monte. On dit : le voilà. Il est parti, il a tapé quelque part. Généralement, après on regarde le reste du lever du soleil. Mais si on guette ce que j'ai guetté, on ferme tout de suite les yeux et on écoute. Alors, on entend une chose sourde qui roule comme une source de tombereau et c'est le bruit du rayon qui a frappé sur la terre, ou bien une esclapade d'eau, et c'est qu'il est tombé dans quelque mer, ou bien alors un sifflement long, long, long, et qui s'éloigne, et c'est que le rayon a frappé en plein ciel. Là, alors, d'habitude, ça a fait un trou et on peut s'attendre à du vent dans l'après-midi. Donc, c'est pour te dire la force de ce premier rayon."
Jean Giono, Manosque-des-Plateaux

10 commentaires:

  1. Bizarre, cette orthographe gionesque, car même le raïs dirait plutôt qu'il s'agit d'un rai de soleil…

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est bizarre, mais c'est (v)rai. J'appelle à la rescousse le petit bob, qui me dit que parfois, rai est rais, et de citer Mauriac : "Un rais de soleil fuse des volets mi-clos".

      Supprimer
  2. Ah là là, ces écrivains qui s'autorisent de ces licences !

    J'avais moi aussi vérifié dans mon petit Bob, mais on ne doit pas avoir la même édition (la mienne est de 1993). Je me permets de renvoyer à cet excellent site où l'on lit ceci :

    Littré : rais "on devrait écrire rai au singulier comme on faisait autrefois".
    Lar. Lang. fr.: rai "on a longtemps utilisé la graphie rais au singulier (...), sans que rien justifie la présence de cet s"…

    Allez, bref, y'a plus qu'à chanter du raï pour s'extirper de ces rets…

    RépondreSupprimer
  3. Merci en tout cas pour ce beau texte qui fait pendant au Rayon vert de Rohmer (après Jules Verne) dont on causait naguère à propos de l'heure bleue…

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, tout se tient, n'est-ce-pas ? (les fameuses correspondances...)

      Supprimer
    2. Exactement, et c'est d'ailleurs ce que répondait récemment Jérôme à l'ami Joël H.
      Les références de notre imaginaire sont comme un filet dans les rets duquel nous nous agitons…

      Supprimer
  4. Ces rets dans lesquels quelques raies auraient pu se prendre (tu auras remarqué que le site mentionne aussi cette possible orthographe "raie").
    Mon édition date de fin 1980, ce qui me ramène... en première !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Alors tout s'explique : la refonte complète du Petit Robert par Alain Rey date de 1993, et alors il n'est plus question de cette orthographe douteuse et Mauriac a cédé la place à Montherlant.

      Supprimer
    2. Alain Rey, vraiment ?!
      Sinon, Montherlant était déjà présent en 1980. La refonte était donc sans doute une "restructuration", comme on dit, et Mauriac a fait partie de la charrette...

      Supprimer
    3. Bon sang, je n'y avais même pas prêté attentio !
      Décidément out se tient, en effet…

      Oui, Alain Rey et Josette Rey-Debove ont entièrement refondu l'édition en 1993, qui est devenue Le nouveau Petit Robert pour se distinguer de l'originale.

      Bon, je suis allé voir chez le Grand Bob, qui précise d'entrée : « L'orthographe rais (pour rai) au singulier n'est nullement justifiée, elle est néanmoins très fréquente. »

      Supprimer