jeudi 1 septembre 2016

De la céleste et réjouissante fantaisie de Jean-Pierre Léaud




"Quelqu’un appela Jean-Luc. C’était Jean-Pierre Léaud, l’air un peu égaré, qui se trouvait en compagnie de Chris Marker et de la petite équipe technique de ciné-tracts qui rendaient compte au jour le jour des événements depuis le début du mois de mai. (...) 

Les pavés continuaient à passer de main en main. Jean-Luc et moi faisions de notre mieux pour suivre ce rythme infernal. Or cette belle mécanique cessa vite de fonctionner : Jean-Pierre, entre chaque pavé, essuyait ses mains avec un mouchoir qu’il tenait entre ses dents. On l’éjecta en le traitant de saboteur. (...)


L’attaque fut massive. Les portes du jardin du Luxembourg s’ouvrirent d’un coup, libérant des centaines de policiers, la matraque levée. Ceux d’entre nous qui se trouvaient le plus près tombèrent les premiers sous leurs coups. Les étudiants avaient aussitôt quitté la chaîne pour rejoindre leurs camarades derrière la première barricade de la rue Soufflot. Jean-Luc m’avait prise par la main et m’entraînait au hasard, vers le boulevard Saint-Michel. Nous étions une trentaine à nous enfuir, affolés, terrorisés. Jean-Pierre Léaud, derrière nous, ne cessait de hurler au secours, demandant aux habitants du quartier de l’abriter. Rue Racine, il tambourina en vain contre la porte fermée d’un hôtel en criant: « Je prends une chambre pour la nuit... Pour une semaine... Pour un mois ! »"

Anne Wiazemsky, Un an après (Gallimard)



Photographie Bruno Barbey - Nuit du 10 au 11 mai 1968, Quartier Latin

2 commentaires:

  1. À propos de Léaud, chère Florence, cette chouette émission d'hier devrait t'intéresser…

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    1. Ah merci bien, cher George, j'écouterai ça. Et bien contente de te voir à nouveau dans les parages !

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