vendredi 23 février 2018

Licornes et nymphéas



"Elle pénétra dans la salle ovale à pas lents. La splendeur des Nymphéas l'engloba.
C'était la beauté du monde qui s'épanchait ici. Aquatique, nuageuse, frissonnante, tantôt limpide tantôt obscure, tissée de reflets et d'évocation. La parfaite beauté du monde.
Claude Monet les avait pourtant peints en 1917. Alors que la violence déferlait, que la Première Guerre mondiale activait son gigantesque hachoir.
Peindre à Giverny, dans la paix lumineuse de la campagne, créer cette légèreté, imaginer cette délicatesse floutée tandis que la planète était à feu et à sang… Pourquoi ? Cela n'était pas de l'égotisme, cela n'était pas de l'indifférence. Un homme était tout sauf indifférent lorsqu'il parvenait à exprimer une réalité à la fois si délicate et si juste, qui nous touchait au cœur."

* * *

"La princesse à l'odeur de coquelicot glisse sa caméra, son ordinateur et son téléphone dans son sac à bandoulière. Valentin n'hésite pas.
- Tu pars manger, Salomé ? Je peux venir avec toi ?
- Désolée, Valentin, aujourd'hui je ne peux pas.
Valentin se demande où Salomé s'en va. Elle lui sourit. Elle sait bien qu'il est curieux, et ça l'amuse. Elle lui parle à voix basse.
- Je vais dans un endroit qui s'appelle l'hôtel de la Licorne.
Là, Valentin est vraiment intéressé. Les licornes sont des bêtes attirantes, même si Dorine dit qu'elles n'ont jamais existé. Pourtant, il y en a souvent dans les vieux tableaux qu'aime bien sa sœur. Elles ont de belles têtes et des cornes en or. Alors, pourquoi en peindre tant si elles n'existent pas ?
- Où tu vas, il y a de vraies licornes ? Et les gens peuvent les voir depuis leurs chambres ?
- Non, répond Salomé en riant. Mais ce serait une idée. Quand j'étais petite, je rêvais d'en croiser une à la campagne.
Et la voilà qui s'en va. Valentin la regarde filer."


"Alice se leva et sortit Le Secret de la licorne de la collection de BD. Le préféré de sa nièce. Comme tous les autres, l'album était écorné à force d'avoir été lu et relu. Elle le feuilleta et sourit en se remémorant le profil concentré de la fillette aux boucles rousses lorsqu'elle avait mis le nez pour la première fois dans le monde merveilleux d'Hergé. Salomé ne savait pas encore lire. Tranquille, silencieuse, elle avait demandé à tante Alice de « bien vouloir lui faire la lecture ». Tous les albums y étaient passés."


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