« Mais là, nous nous éloignons du plaisir, c’est-à-dire
de la vitesse considérée comme un plaisir, ce qui est finalement la meilleure
définition. Disons-le tout de suite comme Morand, comme Proust, comme Dumas, ce
n’est pas un plaisir trouble, ni diffus, ni honteux. C’est un plaisir précis,
exultant et presque serein d’aller trop vite, au-dessus de la sécurité d’une
voiture et de la route qu’elle parcourt, au-dessus de sa tenue au sol,
au-dessus de ses propres réflexes, peut-être. Et disons aussi que ce n’est pas,
justement, une sorte de gageure avec soi-même dont il s’agit, ni d’un défi
imbécile à son propre talent, ce n’est pas un championnat entre soi et soi, ce
n’est pas une victoire sur un handicap personnel, c’est plutôt une sorte de
pari allègre entre la chance pure et soi-même. Quand on va vite, il y a un
moment où tout se met à flotter dans cette pirogue de fer où l’on atteint le
haut de la lame, le haut de la vague, et où l’on espère retomber du bon côté grâce
au courant plus que grâce à son adresse. Le goût de la vitesse n’a rien à voir
avec le sport. De même qu’elle rejoint le jeu, le hasard, la vitesse rejoint le
bonheur de vivre et, par conséquent, le confus espoir de mourir qui traîne toujours
dans ledit bonheur de vivre. C’est là tout ce que je crois vrai, finalement :
la vitesse n’est ni un signe, ni une preuve, ni une provocation, ni un défi,
mais un élan de bonheur. »
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